Sur le mariage pour tous : le détail oublié

Louis Santeuil – Janvier 2013

« Quelle que soit la chose qu’on veut dire, il n’y a qu’un mot pour l’exprimer, qu’un verbe pour l’animer et qu’un adjectif pour la qualifier. Il faut donc chercher jusqu’à ce qu’on les ait découverts, ce nom, ce verbe, cet adjectif, et ne jamais se contenter de l’à-peu-près, ne jamais avoir recours, pour éviter la difficulté, à des supercheries, à des clowneries de langage. »
Guy de Maupassant


Sur le « mariage et l’adoption pour tous ».

Le détail oublié : Œdipe et Loi symbolique

De nouveau des politiques veulent en découdre avec les principes découverts par les anthropologues et par les psychanalystes. Ce n’est pas nouveau, ils sont les premiers à faire l’objet de doutes et de suspicions, dès lors que l’ignorance et la manipulation sont d’actualité.

La Loi symbolique, ignorée encore par le citoyen lambda, et utilisée toujours partiellement par les « élites » pour de mauvaises raisons, permet différenciation, structuration et distinction des pulsions de vie et de mort.
La différence des sexes est un des principes fondamentaux de la Loi symbolique ; la nomination de la parenté en est un autre ; le complexe d’Œdipe en est sans nul doute le principe fondateur, à l’œuvre dans toutes les grandes civilisations.

La différence des sexes détermine la concordance et la complémentarité qui assurent la sauvegarde de l’humain.
La complexité de l’éducation se mesure dans l’accompagnement d’un enfant par un père et une mère, clairement nommés, en un couple que le mariage, la plupart du temps, conforte.
Le complexe d’Œdipe est l’archétype des interdits fondateurs et protège, dans une large mesure, de l’inceste et du meurtre.

L’adoption naturelle d’un enfant par son père et par sa mère biologiques ressortit à une complexité naturelle éprouvante pour les raisons susdites.
L’adoption d’un enfant par un couple composé d’un homme et d’une femme constitue un degré de plus dans la complexité d’un accompagnement de qualité.
L’adoption d’un enfant par un couple d’hommes ou un couple de femmes constitue une équation qui semble presque impossible à résoudre sans dommage.

Le rôle et la fonction d’un père et d’une mère vis à vis de l’enfant sont distincts et spécifiques, non seulement dans la distribution de la protection et de la formation de l’enfant, mais surtout particulièrement du point de vue de leur place respective dans son inconscient.
L’introduction d’une invraisemblance dans la vie d’un enfant (deux pères, deux mères, aucun père, aucune mère : parents 1 et 2) déstructure la filiation, laquelle détermine la distribution des rôles paternel et maternel, nécessairement différenciés, dans la régulation indispensable de leurs correspondants symboliques que sont les interdits fondamentaux (meurtre et inceste), la nomination de la parenté, la prohibition de l’abus de pouvoir, le respect de la différence des générations et de la différence des sexes.

La confusion qui peut résulter du mariage et de l’adoption (laquelle peut advenir suite au recours à la PMA, et advient à coup sûr avec la GPA) pour tous ne l’est pas sur le papier écrit par des fonctionnaires du légal, elle l’est pour les psychanalystes (qui ont des patients et qui les accompagnent dans le devenir soi-même et dans la sauvegarde de leur individuation).
Effacement des différences, absence de repères, narcissisation problématisée car investie par des orientations sexuelles non différenciées, identification projective, sont quelques uns des problèmes posés par l’appariement sans idée de filiation logique distincte chez un couple, d’ailleurs avec le risque de la seule satisfaction d’un désir de normativité ou d’un prétendu « droit à l’enfant », au mépris du droit de l’enfant à disposer d’un socle parental en tant que tel, ne reposant pas seulement sur une résolution narcissique des parents putatifs.

Car la question est bien là. Devra-t-on considérer l’enfant comme un objet de désir transformable en chose du droit d’une loi générale abusive, ou bien devrait-on comprendre que l’enfant est d’abord un sujet de droit d’une loi symbolique supérieure qui suivra la voie de son propre désir, respectable et plus que digne d’être pris en compte ?

Louis Santeuil – Janvier 2013 – Institut Français de Psychanalyse©

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