Nicolas Koreicho – Juin 2014
La psychanalyse n’est pas un modèle. C’est bien plutôt une métapsychologie, c’est-à-dire, comme la linguistique vis-à-vis du langage, qu‘elle est la ressource de dernière instance, pour qui voudrait considérer ce qui, par delà son discours d’accompagnement, déborde un tant soit peu sa volonté de bien faire.
Cependant, il ne s’agit pas, comme Monsieur Jourdain faisant de la prose sans le savoir, de plaquer une culture psychanalytique à prise rapide sur des non-dits, des implicites, des presque-rien révélateurs.
D’ailleurs, et même si l’on en voit de plus en plus s’inventer dans les annuaires, les thérapeutes n’existent pas. On peut parler des thérapeutes d’Alexandrie, ces sages religieux contemplatifs de la secte antique des thérapeutes, mais on ne peut en aucun cas faire passer l’absence de qualifiant, au contraire par exemple de kinésithérapeute, pour une qualification.
La psychanalyse pense que l’important pour se dire qui l’on est, est de pouvoir se dire qui l’on a été et qui l’on sera. A fortiori pour quelqu’un qui voudrait pouvoir dire qui est l’autre, c’est-à-dire comment il fonctionne, d’où il parle, quelle est sa part d’histoire dans ce qu’il est. Il est nécessaire de comprendre que celui qui a visité pour son propre compte les contours et les détours de sa personne et de sa relation à l’autre, est à même d’accompagner un accompagnant, ayant vécu dans de profondes occurrences les conditions et les limites des cadres de son action, et de son intervention.
Ces cadres, du plus général au particulier, sont le lieu et le temps (cadre matériel), l’objectif (cadre contractuel), la déontologie, l’éthique et la théorie (cadre référentiel), le discours (cadre énonciatif), le non-verbal (cadre personnel), et enfin le transfert et le contre-transfert (cadre relationnel).
Ainsi, le transfert, et son corolaire, le contre-transfert, représentent dans les processus d’accompagnement la projection, par le patient et le psychothérapeute, par le client et le coach, par le patient et le psychanalyste, de contenus issus de leur propre inconscient et provenant d’expériences archaïques, sur l’autre personne de l’interaction, qui apparaît dotée de qualités, d’intentions, d’affects différents de la réalité tout en y ayant des liens obligés.
Le transfert et le contre-transfert donnent au coach, mais aussi au psychanalyste, l’occasion de confronter son travail avec celui du psychothérapeute, en cela qu’il va se saisir de ce petit morceau de valorisation presque psychanalytique justement afin d’apprécier sa finesse d’esprit clinique pour étayer le métier chez son interlocuteur. Pourtant transfert et contre-transfert constituent autant de chances de mieux faire, pour peu qu’il se remette à sa place lui-même : transfert et contre-transfert vont rarement, pour ne pas dire jamais, l’un sans l’autre.
En effet, comme par hasard, les chances du coach, du psychothérapeute, du psychanalyste sont ces moments où il va s’apercevoir que les échecs de l’autre sont répétitifs. Le harcelé est toujours un déjà harcelé, un qui se plaint du ratage est toujours un qui se plaint du retour du ratage, un déphasé du changement a déjà été déphasé du changement, etc.
Postulons que ce qui se répète dans le besoin du coaché, de l’analysé d’obtenir la solution et le besoin du coach, de l’analyste de la lui procurer s’est déjà réalisé. Le coaché, l’analysant a déjà été confronté au manque, dans l’espoir de la main tendue, le coach, l’analysant a déjà été confronté au désir, dans la gratification attendue.
Il faut d’ailleurs être bien immodeste pour imaginer que ce qui se dit entre deux personnes est tout ce qui se dit. Il existe de multiples combinaisons, descriptibles scientifiquement, du transfert et du contre-transfert. J’en prends une simple :
Un coach me disait « ça ne marche pas ». « Avec celui-là, ça ne marche pas. » « Ah bon. » dis-je, « ça ne marche pas, ça n’avance pas ? » « Oui. Je suis bloqué. » « Même pas un petit pas ? », comme on dit, « Non, rien. Ça ne marche pas. » « Et que faites-vous ? » « Je ne le force pas, je l’incite à avancer. » « Et vous, ça vous fait quoi quand on vous incite ? » « Je me méfie » dit-il. « Ah bon ? Pourquoi ça ? » « Parce que mon père en m’apprenant à marcher voulait aussi m’apprendre à nager et m’a poussé dans l’eau. » Bon voilà.
Nicolas Koreicho – Juin 2014 – Institut Français de Psychanalyse©
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Supervision 1. Principes en supervision
Supervision 2. Sur le transfert en supervision