Etymologie

Eléments d’étymologie appliquée au lexique de la psychanalyse et de la psychopathologie

« Ce que cache mon langage, mon corps le dit. Mon corps est un enfant entêté, mon langage est un adulte très civilisé… »
Roland Barthes

Etymologie psychanalytique et psychopathologique

Angoisse : angustiae, « passages étroits, resserrés ».

Animal : de anima : « souffle, âme ». Inclut l’espèce humaine. Fin XIIème, « animé, vivant, doté d’anima ». Cf. « âme, animé ».

Autorité : être auctor, c’est-à-dire fondateur, instigateur, conseiller, auteur, digne de crédit, d’un texte révélé, responsable, modèle, exemple, pouvoir d’imposer l’obéissance.

Communiquer : communicare, « Donner sa part de quelque chose, prendre sa part de quelque chose, rendre commun quelque chose », puis, « entrer en relation avec quelqu’un, entretenir quelqu’un de quelque chose ». Lien social, lieu relationnel. Religieux : communier.

Comprendre : mettre ensemble, prendre avec soi.

Conflit : con, ensemble, flictus, frapper, heurter. Le conflit psychique est d’abord interne, il peut être manifeste, exprimé, ou latent, métaphorisé.

Conquérir : prendre par la force, obtenir en luttant, séduire, charmer.

Courage : de coeur. Tension psychique, intention, désir, force d’âme, vertu morale, en soi-même, énergie.

Crime : de crimen, reproche, accusation, plainte.

Culpabilité : de culpa, faute, négligence. Peut-être de coupe, faute, pêché.

Délirer : delirare, « sortir du sillon ». Idée de basculement du réel dans l’isolement de la perception.

Dépression : réponse à la pression ; abaissement, abattement. deprimere, « abaisser ».

Désirer : desiderare (de privatif ; sidus, sideris : astre en  constellation) qui signifie « regretter l’absence de », et provient de « cesser de contempler l’étoile, l’astre ». Ainsi, désirer nait d’une absence et de son regret. Dans un second temps, désirer implique de chercher à obtenir, souhaiter.  Cf. considérer, considération, déconsidérer (de cum, avec et sidus, sideris : astre). Cf. sidéral, « qui concerne les astres, et le soleil », sidéré, sidérant : « subir l’action funeste des astres, et notamment du soleil ».

Emotion : de « mettre en mouvement ». Du latin emotionem, de emotum, supin de emovere, émouvoir. Mouvoir (-motion) vers l’extérieur (é-). Historiquement, « mouvement, trouble d’une population ; mouvement, trouble du corps », perceptible par soi ou par l’extérieur. Aujourd’hui, « trouble de la sensation ».

Enfant : infans (in négatif ; fari : parler, éclairer). Cf. fable, aphasie, emphase.  « qui ne parle pas ».

Expérience : « épreuve, essai, tentative ». De ex-, « sortir, absence, passage d’un état à un autre, achèvement » et per, « aller de l’avant, pénétrer dans ».

Exprimer : ex premere, « Faire sortir un liquide, en pressant », puis, « représenter, traduire, reproduire, imiter ». Autrement dit, rechercher une adéquation entre ce que l’on veut représenter et ce que l’on représente. D’un fait, de l’existence d’une chose, d’un sentiment, aller vers un propos, un discours, corporel ou articulé, une expression. Chose, état de fait rendu sensible par un signe, dont on peut tirer une signification.

Fantasme : Le terme « fantasme », avant d’avoir été popularisé par la psychanalyse, provient du grec phantasma qui signifie « fantôme, hallucination visuelle », puis « fantaisie » repris en proximité du grec phantasia signifiant « apparition, vision », puis « imagination », jusqu’à l’actuel« fantasme » de la famille de phainein « apparaître ».
Une définition du mot « fantasme » dans le Nouveau Larousse illustré de 1906 nous intéresse dans la mesure où elle fait intervenir une production mentale ayant un double sens, au passage tout comme le symptôme, d’un contenu latent et d’une forme manifeste : « Chimère qu’on se forme dans l’esprit ».

Folie : folium, feuille, feuillée, feuillage, par toponymie cabane, puis maison de campagne (« battre la campagne »), puis construction excentrée, dispendieuse, extravagante.

Hébéphrénie : hêbê, « adolescence », phrên, « esprit ».

Hystérie : hystera, « matrice, utérus ».

Pathologie : pathos, « souffrance ». Cf. Passion.

Psychose maniaco-dépressive : mania, « folie ».

Paranoïa : para, « à côté », nous, « esprit ». Folie raisonnante.

Personne : Persona, « masque de théâtre », puis « rôle attribué à un masque », ainsi, « type de personnage ». Par suite, « façon de se présenter aux autres », d’abord par le corps physique, puis entre autres par les langages. Ensuite, individu, « personnage important » d’où « honneur, dignité », d’où « personnalité ». Cf. personnel. Ainsi, d’emblée, le terme représente le corps de l’être humain dont on parle, puis l’être dans son expression. NB : « Il n’y a personne » vient de « il n’y a pas de personne » (XIIIème – XVIIème).

Perversion : pervetere, « renverser ». Désir que suppose l’idéal d’un objet.

Religion : religare, « relier », relegere, « relire ».

Responsabilité : du latin respondere, se porter garant, répondre de, apparenté à sponsio, engagement solennel, promesse, assurance.

Sentiment : de « sentir ». Successivement dans l’histoire du mot (du XIIème siècle à aujourd’hui) : « perception d’une sensation ; connaissance ; intelligence ; opinion ; science ; idée ; jugement ; faculté de sentir un ordre des choses, de valeurs ; manière de penser ; dévouement ; intérêt ; passion ; qualité artistique de sensibilité ; état affectif complexe composé d’éléments de perception, d’intellection, d’émotion ». Etymologie : bas latin, sentiments de sentire, sentir. Senti-, et le suffixe -ment  (fait de sentir) ; XIIème s. sentement. Provençal sentiment  ; espagnol sentimiento  ; italien sentimento. Aujourd’hui : composante de la sensibilité affective.

Séparation : « mettre à part », de se- marquant la séparation, et -parare « préparer, arranger », de parere, « procurer, faire naître, produire » (cf. parent).

Schizophrénie : « clivage de la pensée ».

Souffrance : « délai, attente, répit », mettre en souffrance « différer » au sens de « endurance, patience » (lat. chrét. Sufferentia) « action de supporter ; résignation ; attente patiente ».
Douleur physique ou morale, État de celui qui souffre (celui qui souffre portant, supportant le mal). Cruelle souffrance. Extrême souffrance. Endurer une souffrance. Être dur à la souffrance. Vivre dans les souffrances. Après de longues souffrances. Les souffrances de Notre-Seigneur sur le Calvaire.
Terme de jurisprudence : tolérance pour certaines choses qu’on pourrait empêcher (le sens propre de souffrir étant « porter, soutenir »). Cette vue est une souffrance. Un jour de souffrance.
Terme de comptabilité : suspension dans l’allocation ou le rejet d’une dépense portée en compte sans pièces à l’appui. Cet article est en souffrance. Tenir une partie en souffrance.
Par extension, tout retard préjudiciable dans la conclusion d’une affaire. Cet homme laisse toutes ses affaires en souffrance. Ce procès met mon commerce en souffrance.
Terme de féodalité : surséance, délai que le seigneur accordait en certains cas à son nouveau vassal, pour faire foi et hommage.
Terme de physiologie : toute sensation pénible, qu’elle soit bornée à un simple malaise, ou qu’elle s’élève jusqu’à l’état de douleur.

Souffrir : de sufferre, ferre (« porter ») avec le préfixe sub (« sous »). Supporter, endurer. Eprouver, être atteint. Permettre, admettre.

Symptôme : sumptôma. Le mot σύμπτωμα, en grec, signifie « accident », « coïncidence » ; il est constitué du préfixe σύν, Sym de sun « avec, ensemble » et de πίπτω, piptein « tomber, survenir, arriver ». Le symptôme est donc, à l’origine, « ce qui survient ensemble », ce qui « concourt » ou « co-incide (tomber sur) », au sens littéral du terme.
D’où « fait qui permet de prévoir, ou qui manifeste un état, une évolution, une émotion ».

Thérapeute : Du grec ancien θεραπευτής, therapeutếs (« serviteur, celui qui prend soin de quelqu’un » et enfin « médecin »). (Antiquité) Ascète juif qui se livrait à la vie contemplative et mortifiée. Les thérapeutes ont été les modèles de la vie monastique. (Médecine) Médecin ou guérisseur.

Tristesse : du bas latin trīstĭcĭa (Gaule et Ibérie), en latin classique trīstĭtĭa. Sans doute dérivé de tĕrĕre, (« broyer, triturer, piler » « épuiser, miner, affaiblir »), avec un \s\ épenthétique pour dissimiler d’avec tritus (« broyé, ereinté ») qui donne aussi detrimentum (→ voir détriment), termentum (→ voir tourment), taetrĭcĭtās (« air sombre, air sévère »).
Emotion compensatoire provenant des moments de séparation de l’enfance., D. W. Winnicott suppose que « lorsque l’enfant montre qu’il peut pleurer de tristesse, le parent peut en déduire qu’il a parcouru un long chemin dans le développement de ses sentiments… »


Nicolas Koreicho
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