Le monde des « psys » : les choisir

Comité Éditorial

« En certaines blessures, bien qu’elles soient refermées depuis longtemps, la douleur persiste. »
Grey’s anatomy

Les psys ne peuvent plus se contenter, compte tenu de la complexité du monde, de la spectacularisation des personnes, de la subjectivité des dogmes et de l’ambivalence des pouvoirs scientifiques, médiatiques et politiques, de se reposer dans une neutralité, même bienveillante, dans le rôle de miroir de l’âme du patient, dans une écoute facile sans partage de connaissance et de savoir, ou dans l’évitement de toute évaluation critique positive ou méliorative. Les différents psys peuvent, pour que leurs patients puissent comprendre et dépasser leurs pathologies, tout en leur permettant de ne pas s’installer dans une position de régression ou de confort superficiel, exercer des méthodes variées, correspondant à autant de gestes, c’est à dire de techniques.
Que ce soit en vertu des développements de la psychanalyse, de la psychologie, de la psychiatrie ou, plus généralement, de la psychothérapie, les praticiens disposent aujourd’hui d’un arsenal de gestes, analytiques, interprétatifs, conversationnels, médicamenteux, suggestifs, stimulatoires, incitatifs, somatiques, compassionnels, empathiques, cathartiques, qui peuvent prendre toute leur place dans un certain nombre de protocoles cohérents et adaptés.

Ces protocoles peuvent encore, dans une certaine mesure, consister a minima en un exercice unique, tel celui du psychanalyste qui allonge son patient sur le divan, laissant la maïeutique de l’analysant opérer, du psychologue qui tient avec son patient un discours d’accompagnement censé le soulager, du psychiatre qui prescrit à son patient une ordonnance de médicaments, du psychothérapeute qui prodigue à son patient des consignes de relaxation ou des conseils pratiques.
Les protocoles peuvent également obéir à un souci d’adaptation du style du psychothérapeute à la fois au développement de l’état situationnel du patient, aux concepts mis en mouvement pendant la cure, mais également aux moments de la cure.
En effet, ce sont les états que l’évolution de la personnalité du patient lui fait traverser, mais aussi son degré d’avancement dans les processus de guérison ou dans les étapes de son épanouissement personnel et dans les jalons de sa réalisation professionnelle, qui inciteront le psychothérapeute à choisir le geste adapté.
Dès lors, il pourra se référer soit à une forme unique de l’exercice de son travail de praticien, c’est-à-dire faire exclusivement (restrictivement) son métier de psychanalyste, de psychologue, de psychiatre ou de psychothérapeute, soit s’adapter à des critères plus précis et répondant plus justement aux problématiques rencontrées, et mettre en place des dispositifs (settings) multiples, ou encore orienter vers une discipline psychothérapeutique plus appropriée. A ce titre, il semble indispensable que le psychothérapeute connaisse parfaitement les autres psychothérapies et leurs indications.

Ces dispositifs correspondent d’abord à la position et aux déplacements physiques du patient, qui pourra être allongé, assis, en mouvement dans l’espace, puis à la position du psychothérapeute, lequel pourra à son tour se trouver assis derrière le patient, position classique de la psychanalyse, assis ou debout à côté de son patient allongé, procédé de la psychothérapie analytique ou de la thérapie de relaxation, se déplaçant à son tour dans l’espace, comme dans l’approche groupale, art-thérapeutique (théâtre, danse, musique, peinture, sculpture), animalière…
Ces dispositifs, susceptibles à certaines conditions de passage de l’un à l’autre, qui doivent prendre en compte le transfert, les résistances, le soutien, les relations d’objet, se proposent d’être à la source d’une réelle autonomie du patient, laquelle doit se construire et s’étayer sur les états désinvestis du corps interne et externe, dans la rencontre de certains événements censurés, dans la neutralisation de certains affects anciens, dans la déconsolidation de ses vulnérabilités, dans la consolation et le dépassement de chagrins bloquants.

A ce titre, par exemple la relaxation, qui permet une décrispation corporelle, un apaisement des tensions souvent archaïques, favorisés par le cheminement d’un langage articulé attaché à l’éprouvé et progressivement libéré des contraintes douloureuses ou de tension vers les modalités classiques de la psychanalyse, particulièrement grâce à la possibilité de circulation psycho-physique des relations d’objet anciennes enfin appréhendées, peut constituer une condition sine qua non de l’accès du patient et de l’analyste à un passé revisité sans appréhension et à un actuel de réconciliation du corps et de l’esprit.

Ainsi, il ne s’agit pas pour le praticien de se cantonner à des positions de bonne mère, de père réparateur, d’allié inconditionnel, mais de faire en sorte que ces éléments transitoires et transférentiels puissent être, entre autres, certains des préalables à l’établissement des conditions du mieux-être du patient, dans la mesure où son narcissisme corporel et langagier retrouvé peut seul le préparer à une indépendance libre et heureuse durable, aussi bien dans sa vie que dans le franchissement des étapes d’une analyse sans cesse plus pertinente et profonde qui, logiquement, deviendra une auto-analyse.
De la même manière, on doit permettre aussi bien au patient de se confronter avec l’idée d’un objet compréhensible non seulement symboliquement, mais appréhensible aussi en réalité, grâce à la fonction du psychothérapeute qui peut tour à tour incarner la possibilité du corps comme objet transitionnel, susciter la pertinence du fantasme, analyser le rêve ou le scénario apparemment anecdotique, réassocier des thèmes annoncés au départ comme distincts, valoriser l’association des idées et la pertinence du discours, s’intéresser à la situation sociale du patient, comprendre et partager toute la consistance et l’intérêt d’un symptôme physique, intellectuel ou relationnel.
De la sorte, lorsque s’est instituée une écoute devant se dire, non flottante, mais au contraire précise, analytique, attentive aux différents niveaux discursifs de cette rencontre entre un patient confiant et un psychothérapeute investi en chaque instant des séances, les principes métapsychologiques de la psychanalyse étant les garants d’un accompagnement développemental non stéréotypé, la personnalité du patient est sur la voie de son intégrité retrouvée.

Comité Éditorial – Septembre 2008 – Institut Français de Psychanalyse©

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