La Métapsychologie

Alexandre Santeuil – mars 2017

La théorie psychanalytique (ou métapsychologie)

Sigmund Freud conçoit la métapsychologie (μετά meta : après, au-delà de, avec, mais aussi : point de vue supérieur sur un domaine. Ici, psychologie englobant les autres psychologies) en 1896 selon trois points de vue :
– Topique (le psychisme s’organise en territoires et en systèmes)
– Economique (il y a une énergie psychique qui circule)
– Dynamique (c’est l’étude des forces et des conflits psychiques)
Les trois points de vue sont, conformément au socle de la Métapsychologie, le point de vue topique, avec les systèmes Inconscient, Préconscient, Conscient puis avec les instances Ça, Moi, Surmoi, le point de vue économique avec les processus énergétiques primaire et secondairel’affect, la représentationl’objet, le point de vue dynamique avec la pulsion, le refoulement, le symptôme, le transfert.

Ces trois points de vue sont étroitement liés et fonctionnent conjointement.
Pour résumer, l’appareil psychique et l’énergie qui le traverse interagissent grâce à un jeu de forces, de conflits, de circulations.

I Le point de vue topique
Il existe chez une même personne des « territoires » psychiques différents et plus ou moins indépendants les uns des autres (névrose, psychose, perversion).
Freud a inventé deux systèmes d’instances qui se combinent et qui « quadrillent » l’appareil psychique. On les nomme « la première topique » et « la deuxième topique ».

  • Dans la Première topique (1915).
    L’appareil psychique est composé de trois systèmes :
    – Inconscient (Ics)
    – Préconscient (Pcs)
    – Conscient (Cs)

L’Inconscient est le réservoir des pulsions. Les pulsions de l’Ics sont libres et très mobiles (processus primaire). Elles tendent à faire irruption dans la conscience et à se décharger dans des conduites. L’Ics obéit au principe de plaisir.

Le Préconscient contient des représentations qui ne sont pas présentes à la conscience mais sont susceptibles de le devenir.

Le Conscient est chargé d’enregistrer les informations venant du monde extérieur et de percevoir les sensations intérieures de plaisir ou déplaisir. Il est aussi le lieu des processus de pensée ou processus secondaires (raisonnement, souvenirs). Il obéit au principe de réalité.

Il existe une frontière entre ces différents territoires, une  « censure » qui empêche l’énergie et les représentations de circuler librement. La censure est particulièrement sévère entre Ics et Pcs. Elle ne laisse passer les désirs inconscients qu’après les avoir transformés ou déguisés. Si les désirs sont trop perturbants pour l’équilibre, elle les refoule. Cette censure s’exerce également, mais avec moins de rigueur, entre Pcs et Cs. La censure se relâche preque complètement dans le rêve, d’où l’importance de l’analyse des rêves en tant que « voie royale vers l’Ics ».
Dans le travail analytique, il faut vaincre les résistances pour triompher de la censure entre Ics et Pcs, puis vaincre les réticences entre Pcs et Cs.
A la surface de l’appareil psychique, entre Cs et monde extérieur, se trouve une troisième zone frontière, qui sert de filtre pour éviter que des stimuli trop violents ne pénètrent à l’intérieur du psychisme. C’est le pare-excitation.
Lorsqu’il y a effraction du pare-excitation, il se produit un traumatisme psychique.

  • Dans la Deuxième topique (1923).
    Outre les trois systèmes de l’Ics, du Pcs, et du Cs, l’appareil psychique est composé de trois instances : le Ça, le Moi et le Surmoi, qui entrent en conflit à l’intérieur du psychisme.

Le Ça correspond schématiquement à l’Ics. C’est le réservoir des pulsions (de vie, de mort ou des pulsions sexuelles), « la partie obscure, impénétrable de notre personnalité ». Il est régit par les processus primaires et le principe de plaisir, c’est-à-dire qu’il ne connaît pas la logique, ni la contradiction, ni la négation. Le temps n’existe pas pour lui et il ignore les jugements de valeur, le bien, le mal, et la morale.

Le Moi doit composer entre les exigences pulsionnelles du ça, les contraintes de la réalité extérieure et les exigences du Surmoi. Le Moi est en quelque sorte le « médiateur » chargé d’assurer la stabilité et la cohésion de la personne. Il regroupe le Cs et le Pcs (de la première topique). Mais le moi comprend également une partie inconsciente.

Le Surmoi se construit à partir des exigences et des valeurs parentales. Il se met en place spécialement au moment du complexe d’Œdipe.
Il a une fonction de morale et de censure. Il a aussi une fonction d’autoconservation et d’idéal.
Surmoi = tu dois… (Sinon sentiment de culpabilité)
Idéal du moi = tu devrais… (Sinon sentiment d’infériorité)
Moi idéal = tu peux… (sinon mésestime de soi)

II Le point de vue économique

Freud a compris que l’appareil psychique était traversé par une énergie principale. Cette énergie provient du Ça où elle circule librement (processus primaire).
La quantité d’énergie présente s’appelle aussi l’affect.
Il existe plusieurs types d’énergies psychiques, avec des qualités différentes. L’énergie qui régit les phénomènes psychiques de la vie sexuelle (au sens large) s’appelle la libido.
Pour accéder au système Pcs-Cs, l’énergie doit être liée à une représentation (processus secondaire).

La représentation : C’est l’élément de base des composants de l’appareil psychique. Elle désigne les traces mnésiques issues d’un refoulement et dont les affects liés continuent vraisemblablement d’être actifs, car ils en sont séparés, constituant ainsi les symptômes du refoulement. Freud distingue les représentations de chose des représentations de mots. Si les premières sont actives dans l’inconscient ou le préconscient sous forme d’images essentiellement, elles doivent, pour être rendues inactives, être verbalisées, donc transformées en représentations de mots.

L’objet : En psychanalyse, on appelle objet la personne (réelle ou imaginaire) vers laquelle se dirige l’amour (ou la haine) et le désir. C’est la personne visée par les pulsions d’un sujet. L’objet peut-être réel ou fantasmatique.
La relation d’objet : C’est la relation qu’entretient une personne (un sujet) avec son entourage. Cette relation d’objet est en grande part fantasmatique (imaginaire), c’est-à-dire faite de représentations qui modifient l’appréhension de la réalité et du lien à l’autre. (Ex. la relation avec l’infirmière).
La libido peut donc se fixer, se retirer ou passer d’un objet à un autre (ou d’une représentation à une autre). On parle d’investissement libidinal.

III Le point de vue dynamique

La pulsion : La pulsion est une tension qui prend sa source dans le corps et qui a pour but un objet apportant une satisfaction. La pulsion se transforme en une excitation pour le psychisme qui doit la réduire et l’éteindre pour retrouver son équilibre (ex. vérification obsessionnelle).
Les objets de la pulsion sont multiples et ne se limitent pas à la recherche d’un partenaire sexuel.
On distingue les pulsions de vie (Eros) qui visent la conservation de la vie, du plaisir, et les pulsions de mort (Thanatos) qui tentent de détruire le travail des pulsions de vie. Tournées vers l’intérieur elles visent l’autodestruction (suicide, anorexie…), tournées vers l’extérieur elles visent la destruction et l’agression (psychopathie). Tout le monde possède en soi ces pulsions et l’équilibre de la personnalité va dépendre de l’équilibre entre les poussées pulsionnelles et la réponse de l’appareil psychique.

Le refoulement : Le refoulement permet d’éviter un conflit entre le Moi et le ça en rejetant dans l’inconscient la pulsion inacceptable. Car ce qui peut être agréable pour le ça, peut-être source de déplaisir et d’angoisse pour le Moi. Ces éléments refoulés peuvent revenir sous diverses formes comme les lapsus, les actes manqués, les rêves, mais aussi sous forme de symptômes (angoisses, obsessions…). C’est alors qu’ils nécessitent d’être analysés en psychothérapie pour que le souvenir dont ils sont issus revienne à la conscience de manière à ne plus être douloureux pour le sujet.

Le symptôme : En médecine, le symptôme est un signe indicateur de la maladie. Il permet de découvrir ce dont souffre le malade et de le guérir. Le symptôme disparaît alors manifestement.
En psychanalyse, le symptôme révèle un conflit psychique inconscient. Il ne s’agit donc pas d’éradiquer le symptôme mais d’en comprendre le sens car il vient parler à la place du sujet. Sous l’effet de l’analyse, le symptôme va se modifier de sorte à ne plus être source de douleur.
Certaines psychothérapies non psychanalytiques visent à supprimer rapidement le symptôme (ex. thérapies comportementales – TCC) mais l’on s’aperçoit souvent que le symptôme réapparaît ailleurs sous une autre forme (on dit qu’il se déplace) car le conflit psychique sous jacent n’a pas été réglé.
Le lapsus : C’est un mot inattendu, qui surgit de la bouche d’un individu tout à fait par surprise. Il n’est pas le mot que consciemment il avait prévu de dire et trahit le désir inconscient du sujet.
L’acte manqué : C’est un acte ou une action inattendus, qui vient contrarier, et donc révéler, l’acte ou l’action que consciemment l’on avait projeté de faire.
Exemple : rater le train que l’on avait prévu de prendre pour un voyage auquel on tenait beaucoup mais en réalité auquel on voulait échapper.

Le transfert : Le transfert peut se définir comme une intense relation affective, voire amoureuse, du patient à son psychanalyste (transfert positif). Mais il peut aussi être composé d’éléments agressifs ou haineux (transfert négatif). En réalité, ce n’est pas l’analyste qui est visé. Il s’agit en fait d’une relation imaginaire dans laquelle l’analyste vient incarner des figures de la vie du patient. C’est cela que signifie « transférer », c’est déplacer sur le psychanalyste des sentiments qui concernent des personnes de l’entourage présent et passé de l’analysant. Le transfert est le lieu de répétition d’émotions anciennes, c’est lui qui fait que le patient revient et a envie de parler. C’est en maniant le transfert que le psychanalyste va aider son patient à se remémorer son histoire et à en être l’acteur au lieu de la subir passivement.
Il y a des transferts possibles dans d’autres domaines qu’en psychanalyse. Entre un patient et son médecin, ou entre un patient et les personnes qui le soignent. Dans ces autres contextes, on ne va pas travailler sur le transfert mais on va le repérer et éviter qu’il vienne perturber une relation saine. Cela nous permet de comprendre que l’agressivité d’un patient ne s’adresse pas forcément à nous.
S’instaure également dans tous les cas de figure un contre-transfert.

IV Le point de vue développemental

Les stades : ils représentent l’histoire psycho-physique du sujet, en particulier les rapports d’une personne avec elle-même et avec le monde eu égard, plus précisément, aux moments du développement de la personnalité. C’est ainsi qu’il faut considérer, dans une première prise en compte, 
Le stade foetal
Le stade oral (entre 0 et 6 mois)
Le stade sadique-oral (entre 6 et 18 mois)
Le stade du miroir (entre 6 et 18 mois)
Le stade sadique-anal (entre 18 mois et 3 ans)
Le stade phallique (entre 3 et 5 ans)
Le complexe d’Œdipe (aux alentours de 5 ans)
Le stade de latence (entre 5 ans et l’adolescence)
Le stade génital (adolescence)
Les stades adultes

Conclusion

La psychanalyse est une théorie complexe et complète qui continue d’apporter un éclairage très riche dans de nombreux domaines liés au soin, au mieux-être et à l’éducation. Elle est à la fois :
– Une méthode d’investigation du psychisme humain.
– Une théorisation du fonctionnement psychique (métapsychologie).
– Une technique psychothérapeutique originale.

Les détracteurs de la psychanalyse l’accusent de manière superficielle d’être longue et coûteuse, de s’adresser aux « biens portants », et d’accorder une trop grande place aux pulsions sexuelles et à l’enfance du sujet. Ces points de vue témoignent d’une méconnaissance du sujet. Outre qu’elle est une métapsychologie et qu’elle est le fondement de la psychologie, de la psychiatrie et de la psychothérapie, c’est-à-dire ce sur quoi les professionnels de ces trois disciplines sont d’accord, mais elle est sans doute la méthode la plus approfondie d’accession au sujet véritable de notre vie et à son mieux-être.
Depuis plusieurs années, des psychothérapeutes, des psychanalystes, des psychologues et des psychiatres pratiquent ce que l’on appelle des psychothérapies analytiques. Il s’agit de psychothérapies en face à face, qui s’inspirent des théories psychanalytiques sans être « la cure type », allongé sur le divan, c’est-à-dire la psychanalyse classique telle que Freud l’a préconisée.

Article librement inspiré d’une synthèse de SDB – octobre 2009.

Alexandre Santeuil – mars 2017 – Institut Français de Psychanalyse©