Neuropsychologie

Nicolas Koreicho

Eléments de neuropsychologie : définitions simples du fonctionnement du cerveau, du système nerveux et neuronal pour en comprendre les dysfonctionnements.

« Nous ne devons jamais laisser nos peurs, ou les attentes de notre entourage, définir les frontières de notre destin. »
NCIS (série américaine)

« La durée de nos passions ne dépend pas plus de nous que la durée de notre vie.« 
François de la Rochefoucauld


Fonctionnement du cerveau

Quelques courtes définitions pour une meilleure compréhension de ses dysfonctionnements.

Evolution du cerveau en trois étapes* :
– 1 : Cerveau reptilien (selon celui des poissons, reptiles, oiseaux.). Le plus ancien. Il comprend le tronc cérébral et le cervelet. Il est responsable des fonctions vitales de l’organisme et contrôle la fréquence cardiaque, la respiration, la température corporelle, l’équilibre, etc.
– 2 : Cerveau paléomammalien (selon celui des mammifères les plus primitifs). Il mémorise les comportements agréables ou désagréables. Il est responsable chez l’humain des émotions. Il comprend principalement l’hippocampe, l’amygdale et l’hypothalamus. C’est le siège des jugements de valeur, souvent inconscients, et exerce une grande influence sur notre comportement.
– 3 : Cerveau néomammalien (les mammifères évolués) : c’est le système limbique (cerveau primitif) composé du lobe limbique, des voies olfactives, du circuit de Papez, et du cortex préfrontal. Siège des réactions viscérales, neurovégétatives, des émotions primaires. C’est le néo-cortex, qui se confirme chez les primates et culmine chez l’humain avec les deux hémisphères cérébraux. C’est grâce à eux que se développe le langage, la pensée abstraite, l’imagination, la conscience. Le néo-cortex est souple et possède des capacités d’apprentissage infinies. C’est grâce au néo- cortex que se constitue la culture.

Ces structures cérébrales ne fonctionnent pas de manière indépendante et ont tissé de nombreuses connexions par lesquelles elles s’influencent mutuellement. Les voies nerveuses qui vont du système limbique au cortex sont particulièrement développées.
Les circuits cérébraux, qui assurent la transmission de l’information grâce aux fibres nerveuses et aux synapses, sont à l’état d’ébauche à la naissance. Ils vont se développer en fonction des expériences et des apprentissages précoces de l’enfance.

* Le modèle triunique de Paul MacLean en 1970 est un raccourci pour attirer l’attention sur le passé évolutif de notre cerveau. Cependant cette cohabitation de structures reptiliennes, paléomammaliennes et néomammaliennes est beaucoup plus intriquée qu’un simple emboîtement.
Depuis l’avènement des premiers mammifères il y a plus de 200 millions d’années, le cortex cérébral a pris de plus en plus d’importance par rapport aux autres structures plus anciennes. Celles-ci ayant pris toute leur place pour assurer des besoins fondamentaux de plus en plus sophistiqués, elles n’ont pas disparu et l’évolution a favorisé l’ajout d’annexes et le développement plutôt que la reconstruction.
Histoire de l’évolution du cerveau en lien avec la métapsychologie freudienne.


Le système nerveux

Il est composé du :
. Système nerveux central
(Cerveau, tronc cérébral, moelle épinière)
et du :
. Système nerveux périphérique

lui-même composé du :

Système somatique (voies sensitives et motrices)
et du :
Système neurovégétatif ou autonome :

à son tour composé du :

. Système nerveux sympathique
Il utilise les neuromédiateurs à adrénaline et à noradrénaline dont les récepteurs sont de types alpha et bêta. Il prépare à l’effort physique et intellectuel (activé  dans la lutte et dans la fuite). Il est à l’origine de la dilatation des bronches, de l’accélération du rythme cardiaque et respiratoire,  de l’augmentation de la sécrétion de sueur et de la tension artérielle. Il permet la vasoconstriction périphérique. En résumé : l’excitation.
et du :
. Système nerveux parasympathique
Il utilise le neuromédiateur à acétylcholine (substance globalement excitante) dont la libération est impliquée dans l’éveil, l’attention, la colère, l’agressivité, la sexualité, la soif. Il est à l’origine de la contraction de la cage thoracique, du ralentissement du rythme cardiaque, de la diminution de la sécrétion de sueur et de la tension artérielle. Il stimule les fonctions digestives et sexuelles. En résumé : l’apaisement.

Autres composantes du système nerveux

Neurone :
Le système nerveux se compose de cellules nerveuses – le cerveau inclut 100 milliards de ces cellules appelées « neurones ». Leurs interconnexions s’étendent dans tout le corps afin d’envoyer et de recevoir des messages et d’assurer la communication entre les différentes parties de l’organisme.

Neurotransmetteurs (ou neuromodulateurs) :

Petites molécules (une soixantaine de substances identifiées) libérées par les neurones pour assurer la liaison entre eux ou entre un neurone et sa cible. L’espace entre deux neurones, à l’intérieur duquel est libéré le neurotransmetteur, s’appelle synapse. Pour effectuer la liaison, le neurotransmetteur doit parvenir, à travers la fente synaptique, à des récepteurs qui lui sont spécifiques. On appelle agonistes les substances (par ex. des médicaments) qui ont les mêmes effets que les neuromédiateurs d’un récepteur donné, et antagonistes les substances qui bloquent l’effet normalement attendu d’un neuromédiateur.

Rôle des neurotransmetteurs
(ou neuromédiateurs) :

L’acétylcholine

L’acétylcholine est le seul neurotransmetteur majeur qui n’est pas fabriqué à partir d’un acide aminé (constituant de base des protéines). Il est synthétisé à partir d’une substance de l’alimentation, la choline et de la forme active de l’acide pantothénique (vitamine B5).
L’acétylcholine est un neurotransmetteur multifonctionnel qui intervient dans le contrôle des mouvements, y compris le pouls, ainsi que dans un très grand nombre de fonctions physiologiques. C’est aussi le messager chimique de la mémoire.

La dopamine

La dopamine est un neurotransmetteur synthétisé par des cellules nerveuses à partir de la tyrosine, un acide aminé (composant des protéines de l’alimentation). Elle affecte le mouvement musculaire, la croissance des tissus, le fonctionnement du système immunitaire. Elle intervient dans la sécrétion de l’hormone de croissance.
Les réseaux dopaminergiques du cerveau sont étroitement associés aux comportements d’exploration, à la vigilance, la recherche du plaisir et l’évitement actif de la punition (fuite, combat, esquive). C’est aussi un neurotransmetteur inhibiteur impliqué dans le contrôle du mouvement, dans l’humeur, dans les phénomènes de dépendance, dans certains symptômes psychotiques, dans les systèmes du plaisir et de la récompense. Les neuroleptiques ou antipsychotiques bloquent la transmission de la dopamine. La concentration des récepteurs dopaminergiques vont de pair avec la reconnaissance et le statut social. Elle facilite l’action qui apportera le plaisir, issu du pouvoir, de l’argent, de la sexualité, de l’entourage. Elle est ainsi un marqueur de la motivation. Leur rareté marque à l’inverse le recours aux addictions.

La sérotonine

La sérotonine est synthétisée par certains neurones à partir d’un acide aminé, le tryptophane, qui entre pour une certaine partie dans la composition des protéines alimentaires. Elle joue un rôle majeur dans la coagulation sanguine, la venue du sommeil, la sensibilité aux migraines. Elle est utilisée par le cerveau pour fabriquer la mélatonine.
Dans le cerveau, la sérotonine influence l’activité d’autres neurones, le plus souvent en diminuant leur fréquence de décharge, inhibant leur action. Dans le striatum, les neurones sérotoninergiques inhibent les neurones dopaminergiques, ce qui entraîne une diminution du mouvement. Dans la mesure où la sérotonine sert à inhiber de nombreuses régions du cerveau, les mêmes régions sont désinhibées lorsqu’il y a trop peu de production de sérotonine.
Elle est impliquée dans la régulation de la température, du sommeil, de l’humeur, de l’appétit et de la douleur. Elle intervient également dans les addictions et régule les comportements impulsifs.

La noradrénaline

La noradrénaline est synthétisée par certains neurones à partir du même acide aminé qui sert à fabriquer la dopamine. Elle stimule la libération de la réserve de graisse et contrôle la libération des hormones qui régulent la fertilité, la libido, l’appétit et le métabolisme.
La noradrénaline module l’attention, l’apprentissage et facilite la réponse aux signaux de récompense : plus la sensibilité noradrénergique est grande, plus ces traits sont importants. Elle est impliquée dans les mécanismes de l’attention, des émotions, de la dépression, du sommeil et de l’apprentissage. Elle Iintervient aussi dans les addictions. Elle participe à mettre en valeur les événements extérieurs.
Sérotonine et noradrénaline se régulent mutuellement. Un découplage est observé dans les addictions où événements extérieurs et impulsions ne s’accordent plus.

Le GABA

L’acide gamma-aminobutyrique se rencontre en abondance dans les neurones du cortex.
Le GABA est synthétisé à partir de l’acide glutamique. C’est le neurotransmetteur le plus répandu dans le cerveau. Le GABA est impliqué dans certaines étapes de la mémorisation. Le GABA est aussi un neurotransmetteur inhibiteur, il ralentit la transmission des signaux nerveux. Il empêche que les neurones s’emballent, transmettent des signaux trop rapidement, jusqu’au risque de l’épuisement du système. Le GABA permet de maintenir un fonctionnement régulé des neurones.
Le GABA favorise le calme et la relaxation, il diminue la tonicité musculaire, ralentit le rythme cardiaque, réduit les convulsions ainsi que les spasmes. Surtout, on sait qu’il joue un rôle majeur dans le contrôle de l’anxiété, depuis que le mode d’action des benzodiazépines a été décrit. Certains récepteurs GABAergiques sont sensibles aux anxiolytiques.

Les nocicepteurs
Neurones sensoriels, présents dans les tissus cutanés, musculaires, vasculaires, articulaires, osseux ou viscéraux, spécialisés dans la réception de la chaleur, du froid, de la pression, des agents chimiques externes et internes, qui font naître un message nerveux en direction du système nerveux central provoquant la douleur lorsqu’ils sont stimulés conduisant le corps à percevoir, détecter et réagir.
Nociception et chronicité :
La douleur chronique peut provenir de l’hyperexcitabilité des neurones et des nerfs endommagés par la contamination aux neurones et aux nerfs voisins, mais aussi de l’émission de signaux spontanés de la part de ces neurones et nerfs endommagés, même après leur guérison. En effet, des lésions, traumatiques, liées à des maladies (cancers, diabète), consécutives à des traitements médicamenteux, à l’usage de drogues, sont susceptibles de déclencher des décharges à l’origine de la douleur.
Enfin, des régions impliquées dans la pensée complexe et les émotions (cortex cingulaire antérieur, amygdale), la peur et l’anxiété, la cognition et la concentration, l’évaluation des risques et des récompenses eu égard à des décisions, la dépressivité et la motivation, sont intimement liées à l’apparition de la douleur et à sa chronicité. Des observations commencent à dégager les liens entre la douleur chronique, certaines maladies neurodégénératives et les interactions avec l’environnement endogène et exogène.

Composantes du cerveau

Hippocampe :
Petite structure allongée située au cœur du cerveau primitif. L’hippocampe est un régulateur du stress dans la mesure où ses récepteurs au cortisol* répartissent cette hormone dans l’organisme de manière à provoquer des réactions organiques adaptées. Il est responsable de la Mémoire à long terme. L’altération de l’hippocampe s’observe dans les cas de traumatismes psychiques de l’enfance. Cette zone du cerveau est reliée à une zone plus profonde du tronc cérébral, le locus cœruleus, et à l’amygdale.

Thalamus :
Centre de triage des stimulations sensorielles (auditives, visuelles, olfactives…) et sensitives (en provenance du corps) qu’il envoie vers les régions corticales correspondantes et vers l’amygdale.

Amygdale :
Input : reçoit des faisceaux de neurones qui acheminent des stimulations extérieures en provenance des régions sensorielles du thalamus et du cortex. Mémoire contextuelle. Permet de situer la stimulation en fonction des expériences antérieures et des souvenirs constitués.
Output : informations reçues sont réacheminées vers d’autres structures (locus cœruleus et hypothalamus).
Active la production d’hormones (noradrénaline, adrénaline).
Impliquée dans les circuits de l’émotion, et en particulier dans ceux de la peur, de l’anxiété, du sentiment de danger. Son activité est réduite au contact de l’ocytocine (un peptide du plaisir). Elle est également impliquée dans les mécanismes des neurones-miroirs qui concernent le partage des sentiments.

Locus cœruleus :
Concerne le système adrénergique (syst. nerveux sympathique). Réaction d’alarme. Activé dans les situations de stress, d’attention sélective accrue, de vigilance, en rapport avec un danger. Cette zone du cerveau est reliée à l’hippocampe et à l’amygdale par des neurones à noradrénaline. Lors d’une émotion intense, le locus cœruleus inonde l’hippocampe de cette molécule qui enregistre l’événement et renforce le caractère puissant du souvenir.

Hypothalamus :
Régulateur des fonctions vitales et plaque tournante du désir et des émotions. Ajuste le corps aux variations de l’environnement. Concerne la peur, la colère, la motivation. Stimulation de l’activité neurovégétative sympathique (tachycardie, hypertension). Régulation des sécrétions de l’hypophyse. Concerne la thermorégulation, la prise alimentaire (soif, faim), la reproduction (sexualité, ovulation), la lactation, les émotions (réponses aux agressions et aux désirs), les variations liées à l’alternance du jour et de la nuit (cycles veille-sommeil), la croissance, la réabsorption de l’eau au niveau du rein.
Le plaisir augmente la production par l’hypothalamus d’ocytocine en direction de l’amygdale, réduisant l’anxiété.
Le stress libère de la corticolibérine et de la vasopressine qui elles-mêmes libèrent une hormone (ACTH : adréno-corticotrope). L’ACTH déclenche alors au niveau des glandes surrénales la libération de cortisol* qui peut saturer l’hippocampe qui ne jouera plus son rôle de régulateur et verra ainsi se déclencher des phénomènes dépressifs et des attaques somatiques (reins, cerveau, cœur).
Lieu de naissance de la crise migraineuse.

Hypophyse :
Régule la production d’un grand nombre d’hormones stimulant les glandes endocrines périphériques, dont les surrénales qui produisent les glucocorticoïdes et l’adrénaline.

Cortex préfrontal :
Siège des décisions et de l’action.

Ganglions de la base :
Participent au contrôle des mouvements, à la planification (déclenchement, arrêt de l’action).

Cortex cingulaire antérieur :
Partie du cerveau qui transmet les informations entre le système limbique et le cortex préfrontal.

Les activations produites à partir ou vers le cerveau peuvent être explicitées selon des fonctionnements spécifiques :

Les circuits

Circuit thalamus – hippocampe – amygdale :
Est impliqué dans les comportements de peur, de stress, d’agressivité, de défense, de fuite, de combat. Voie rapide.

Circuit cortex – hippocampe – amygdale
 :
Voie longue, élaborée.

Voie septo-hippocampique :
Responsable de l’inhibition des comportements. Compare les données actuelles à celles de l’expérience.

Axe hypothalamus – hypophyse – surrénales :
Aboutit à la production d’adrénaline et de corticoïdes. Activé dans les situations de stress (sensation d’insécurité, de danger, de déplaisir).

Troubles post-traumatiques de stress :
Les victimes de traumas de stress, ont un niveau élevé de noradrénaline (hormone excitante) et un niveau faible de cortisol* (hormone calmante).
Ces personnes continuent de produire des hormones correspondant aux situations de stress traumatiques. Elles produisent un taux de cortisol faible, à la différence de celles souffrant de dépression majeure qui ont un taux de cortisol élevé.

*Le cortisol, hormone diffusée dans les situations de stress, se retourne contre certaines parties de l’organisme (reins, cerveau, cœur) si les conséquences du stress ne sont pas exprimées.

L’épigénétique

Les traumatismes, les expériences, les événements s’inscrivent sur l’ADN des cellules, constituant ainsi une sorte de mémoire physico-chimique. Par suite, l’expression des gènes impliqués dans les divers circuits neuronaux est influencée, voire modifiée par ces différents traumatismes, expériences, événements. C’est ce que l’on appelle l’épigénétique. Ces inscriptions complexes (méthylation, compaction, ouverture, petits ARN non codants…), épigénétiques, sont proportionnellement plus nombreuses et marquées si les traumatismes, les expériences, les événements ont été plus précoces ou plus violents. Ces modifications épigénétiques sont lisibles en imagerie dans certains états de stress. Elles sont possiblement transmissibles à la descendance et reproductibles d’un sujet à l’autre dans des proportions que l’on ignore encore.


Nicolas KOREICHO
– Janvier 2017 – Institut Français de Psychanalyse©


Sémantique
Idée d’une « psychologie philosophique » – F. Nietzsche

Pour en savoir plus :
Le cerveau à tous les niveaux
Tous les mystères du système nerveux