Langages, Discours, Mythes en psychanalyse

Introduction au séminaire

Nicolas Koreicho – Octobre 2023

« Une expression vicieuse ne détonne pas uniquement par rapport à cela même qu’elle exprime, mais cause encore du mal dans les âmes. »
Socrate, Phédon

« L’idée profonde de Parain est une idée d’honnêteté : la critique du langage ne peut éluder ce fait que nos paroles nous engagent et que nous devons leur être fidèles. Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur du monde. » 
Albert Camus, « Sur une philosophie de l’expression », Poésie 44, janvier-février 1944

Dante Gabriel Rossetti, Astarte Syriaca, 1877, Delaware Art Museum, Wilmington, Delaware.

Sommaire

  • Préambule
  • Langages
    . Qu’est-ce qu’un langage ?
    . Le signe – La logique
    . Le signal
    . Le langage chez l’humain
    . Origine du langage
    . Le langage dans le discours psychanalytique
    . Sémantique
  • Discours
    . Qu’est-ce qu’un discours ?
    . Difficulté posée par le discours populaire ou familier dans la compréhension du discours professionnel
    . Discours psychanalytique et jargon
    . Discours « psychanalytique » et détournement de concepts. La structure en psychanalyse
  • Mythes
    . Le discours mythique
    . Récits originels et mythes de la Création
    . Mythes et sagesses orientales
    . Mythologie celte
    . Mythologie germanique, balte, slave
    . Mythes fondateurs de la psychanalyse : Œdipe et Narcisse, Éros et Thanatos

Préambule

De nos jours, l’importance du bon emploi et de la bonne compréhension des mots s’impose, dans la mesure où les tendances péjoratives actuelles, telle le courant du wokisme qui draine un grand nombre de doctrines approximatives ou ineptes, brouille les limites entre les communautarismes et l’obscurantisme totalitaire[1], le second réalisant sur un mode « fratriciel » pour le moins abusif, paradoxe aporétique révélateur, ce que les premiers dénoncent, et où les doxas, les convictions binaires, les communautés et les sectes se confondent en un seul manichéisme opposant dominants et minorités, la plupart du temps en la raison superficielle qu’une couleur de peau, un dogme, un genre ou une sexualité définiraient une identité, à prise rapide.

Ce faisant,  alors que ces discours militants, réfugiés dans la fierté ou dans la honte, composent seulement autant de discours sociaux sommaires, et qui font tout sauf constituer des personnes dignes de ce nom, remplacent le simple courage et le bon sens qui consisteraient à tenter de se comprendre soi-même, non au travers d’une identité factice proposée à bon compte intellectuel, mais selon la construction de la personnalité même, laquelle est au cœur cette fois des environnements physico-psychiques d’importance première, puisant leurs fondations dans les mythes fondateurs, parmi lesquels Œdipe et Narcisse, Éros et Thanatos, qui nous demanderont un travail approfondi, tels qu’ils ont été validés par la psychanalyse, la psychiatrie, la psychologie.

L’objet du thème tripartite consiste en un tour d’horizon de ce qui parait aujourd’hui indispensable à la réalisation raisonnée en formation continue des métiers de psychothérapeute (psychologue, psychiatre, psychanalyste), à partir de l’utilisation du triptyque – Langages Discours Mythes -, ceci grâce à l’étude des fondations formelles des systèmes indispensables à l’exercice de la psychothérapie.

L’idée principale du thème, son « fil rouge », est de pouvoir s’appuyer sur des modes de raisonnement précis et étayés – dont les modes de raisonnement par analogie, inductif, déductif, hypothético-déductif – ainsi que par des concepts développés par les trois grands systèmes du triptyque précité, pour interpréter, comprendre et développer au plus juste une pratique théorico-clinique basée sur des principes fiables, intellectuellement et éthiquement.

L’objectif est de revisiter les fondations épistémiques, quasi grammaticales, de nos systèmes de pensée en psychopathologie, à commencer par reprendre la définition des mots que nous employons, des syntagmes et des paradigmes que nous utilisons dans le cadre du travail intellectuel et du soin personnel. Il s’agit ensuite de reconnaître, non pas la structure de l’inconscient qui est tout sauf structuré, mais les compositions, agencements, constructions, dispositions, ordonnancements, systèmes, schèmes, formes des expressions en développement, au travers des grandes entités nosologiques habituelles, dans les interactions entre systèmes (Ics, Cs, Pcs) et instances (Ça, Moi, Surmoi) constitutifs de l’inconscient.

Enfin il est question, last but not least, de consolider nos cultures générales et, de la sorte, de pouvoir disposer de concepts langagiers, discursifs, mythologiques, les plus exacts possible, analysables et synthétisables susceptibles de composer une cohérence vers une certaine scientificité pour comprendre, analyser, interpréter les phénomènes de l’inconscient qui, la plupart du temps, s’organisent dans leur détail comme des signes, des figures, des tropes, des types de discours décrits dans la littérature qu’il nous revient de saisir et de se représenter.

Langages

Qu’est-ce qu’un langage ?

Au sens large, c’est un système de signes permettant la communication. Dans un sens étroit, c’est la capacité d’exprimer une pensée et de communiquer au moyen d’un système de signes – un signe étant l’unité d’expression d’un langage, que ce langage soit olfactif, tactile, gestuel, vocal, graphique – doté d’une sémantique – consistant en l’étude des signifiés (unités de sens) et des signifiants (unités d’expression) et le plus souvent d’une syntaxe – représentant la manière dont les mots se combinent pour former des phrases ou des énoncés dans une langue donnée –, mais pas systématiquement (la cartographie utilise un langage non syntaxique). En tous les cas, le langage est le fruit d’une acquisition, et la langue est une des nombreuses manifestations du langage.
Nous pourrons sans doute tenter de concevoir et de décrire des langages du psychotique ou des psychoses, des langages du névrosé ou des névroses, des langages du pervers ou des perversions, ce qui sera sans doute plus malaisé, mais qui demandera plus de précision, avec les personnalités limites, puisqu’elles empruntent plusieurs langages conjointement. Nous serons à même de concevoir les langages distincts correspondant aux pathologies et troubles mentaux, les langages du corps et/ou vis-à-vis du corps aussi bien.

Le signe – La logique[2]

L’évolution du signe démarre probablement avec la linguistique hindoue, puis se poursuit avec les philosophes grecs, jusqu’à la forme déjà complète de la théorie du signe d’Augustin d’Hippone au IVe siècle, puis à celle du signe indépendant au XIIIe siècle (modi essendi, modi intellegendi, modi significandi[3]). C’est le premier linguiste moderne le Suisse Ferdinand de Saussure qui proposera des lois stables sur la nature du signe (arbitraire, signifiant linéaire, immutabilité synchronique, mutabilité diachronique[4]), ces derniers concepts étant parfois encore discutés, ce qui annoncera le logicien allemand et philosophe du langage Gottlob Frege, au XIXe (sens, référence – dénotation, connotation, représentation – unité mentale subjective et individuelle), puis Charles Sanders Peirce, sémiologue et pragmaticien américain (le signe est une triade et comprend reprentamen, object, interpretant[5]).
La classification des signes se détermine aujourd’hui selon les catégories de :
l’archétype (en psychologie analytique jungienne, différente de la psychanalyse) qui est une matrice de symboles, une sorte d’image primordiale ;
l’allégorie, qui est la figuration d’un être abstrait ;
l’emblème, qui est un objet matériel représentant un ensemble de valeurs ;
l’icône, qui est un signe où le représentant ressemble au représenté ;
l’image, qui est une forme concrète reproduisant une réalité concrète ;
l’indice, qui indique un rapport causal ;
l’insigne, qui est un objet matériel indiquant l’appartenance à une institution ;
le logo, qui est un nom dans un graphisme typographique spécial ;
la métaphore, qui réside en l’emploi d’un terme auquel on substitue un autre qui lui est assimilé après la suppression des mots introduisant la comparaison, tels que « comme » ;
le nom, le substantif, mot désignant les objets, les phénomènes, les qualités, les sentiments, les personnes, les peuples, etc. ;
le schème, qui représente sur le plan mental une figure simplifiée ;
le signal, qui est un signe fait pour déclencher une réaction ;
le symbole, signe naturel, qui est un substitut non conventionnel d’une réalité ou d’une partie du réel. Il est le résultat d’un code défini par une communauté[6];
le symptôme, qui, terme médical, est un phénomène visible qui témoigne d’un état ou d’une évolution.

Le signal

Le signal est un message envoyé à qui peut le recevoir, généralement à un ou plusieurs congénères, quelquefois à soi-même, et nous pouvons par exemple distinguer :
des signaux visuels, comme chez les abeilles ;
des signaux acoustiques, comme chez les oiseaux, les baleines ;
des signaux chimiques, probablement les plus anciens dans le développement des êtres vivants, les plus obscurs (l’olfaction), comme chez les fourmis ou les plantes ;
des signaux tactiles (extéroception), ainsi qu’il en est des caresses, le plus souvent pour que naisse et se développe un plaisir, voire une jouissance ;
des signaux électriques, comme chez la chauve-souris.

Le langage chez l’humain

Le langage est chez l’homme l’ensemble des activités mises en œuvre par un individu lorsqu’il parle, écoute, réfléchit, essaie de comprendre, lit et écrit, lorsqu’il pense. Les langages constituent, de manière intrinsèque, des systèmes de sens relativement spécifiques.

On distingue le langage formel (langage construit selon un ensemble de termes, symboles ou lexèmes, comme en mathématiques, en informatique, en linguistique), le langage naturel (le langage parlé), le langage de programmation, le langage juridique, le langage des fleurs, etc.
Selon Roman Jakobson, il existe six fonctions du langage. Tout acte de parole ou de communication, correspond à une de ces six fonctions :
la fonction expressive (expression des sentiments du locuteur ;
la fonction conative (fonction relative au récepteur) ;
la fonction phatique (mise en place et maintien de la communication) ;
la fonction métalinguistique (le code lui-même devient objet du message) ;
la fonction référentielle (le message renvoie au monde extérieur) ;
la fonction poétique (la forme du texte devient l’essentiel du message).

Origine du langage

L’origine du langage peut être induite d’abord en fonction de la créativité archaïque des mythes (par exemple le mythe de la tour de Babel[7], le mythe de Mnémosyne[8]), et déduite de l’anthropologie (étude des formes du pharynx et du larynx de l’homo erectus permettant de dater l’origine du langage des environs de 250 000 ans).
Du point de vue neuronal, le langage provient d’une extension des gestes (les zones cervicales du geste et de la parole – Wernicke, Broca – sont interconnectées ; cf. aussi les neurones miroirs).
L’étude du langage se développe principalement en linguistique (descriptive) et en grammaire (prescriptive) selon les disciplines suivantes :
Phonétique – Phonologie – Morphologie – Syntaxe – Sémantique – Stylistique – Pragmatique (actes d’énonciation) – Logique (cohérence) – Étymologie – Lexicologie.

Le langage dans le discours psychanalytique

La compréhension métapsychologique peut gagner en précision par l’intermédiaire de disciplines d’étude du langage qui sont les plus à même de proposer des clés de compréhension et d’analyse des procédés, des dispositifs, des organisations de l’inconscient et de ses troubles.
Il s’agit en premier lieu de :
la sémiotique, qui étudie les systèmes de relation entre les plans du signe (signifiant, signifié) et les corrélats du signe (concept, référent) ;
la sémiologie[9], qui étudie le sens des signes (dans les différents langages) ;
la sémantique, qui étudie le sens des systèmes de signes) ;
la rhétorique (figures[10], tropes[11], types de discours[12], argumentation).

Sémantique

La sémantique est l’étude de la signification des mots, simples ou composés. Elle étudie à ce titre les rapports de sens entre les mots (relations d’homonymie, de paronymie, de synonymie, d’antonymie, de polysémie, d’hyperonymie, d’hyponymie, etc.) ainsi que :
la distribution des actants au sein d’un énoncé ;
les conditions de vérité d’un énoncé ;
l’analyse critique du discours ;
la pragmatique[13], en tant qu’elle est considérée comme une branche de la sémantique ;
les descriptions.

Nous étudierons, grâce à ces multiples formes, les langages utiles pour nous en ce qu’ils nous donnent des systèmes de compréhension des processus mentaux, figés, en mouvement, conjugables, modifiables, segmentables, substituables.

Discours

Qu’est-ce qu’un discours ?

Selon l’acception la plus courante, un discours consiste en un développement oral devant une audience. Il se rapporte aux différents genres d’éloquence : tribune politique ; éloquence judiciaire du barreau ; éloquence de la chaire académique (épidictique : démonstratif, apologétique) ; rhétorique (exorde, proposition ou narration, division, confirmation, réfutation, péroraison ou conclusion) ; exposé ; traité ; homélie ; dithyrambe ; réquisitoire ; galimatias ; propos ; conversation ; dialogue ; entretien ; anamnèse ; monologue associatif ; etc…
En linguistique, un discours est aussi, simplement, une production textuelle écrite ou orale. On y peut décrire un certain nombre d’éléments du discours.
On distingue différents types de discours et, en particulier les discours narratif, descriptif, explicatif et argumentatif.

La grammaire des discours pourrait concourir à garantir une scientificité à la psychanalyse. Les unités de segmentation du texte ne sont alors plus forcément des phrases, mais des propositions, des énoncés, des situations d’énonciation, des ensembles sémiotiques, sémiologiques, sémantiques, rhétoriques, des formes, des figures, des tropes, des expressions précisément descriptibles correspondant à des entités nosographiques.

Difficulté posée par le discours populaire ou familier dans la compréhension du discours professionnel

Dans l’utilisation du vocabulaire psychanalytique à des fins réductrices et parfois militantes, les termes trauma, transfert, symptôme, Surmoi (celui-ci n’est pas tellement utilisé dans les cancel cultures !), etc. impliquent approximation et, souvent, contre-sens et sont rentrés dans les mœurs langagières associatives néoféministe, indigéniste, décolonialiste, racialiste, LGBTQIA+iste, inclusiviste, etc. avec beaucoup d’incertitude et de flottement. Dans ces cas, on peut catégoriser les utilisations de vocables et de concepts psychanalytiques comme l’imposture involontaire de ceux qui voudraient percevoir une allocation de reconnaissance narcissique à bon compte idéologique, pour éviter toute sublimation, toute créativité, toute production et, plus grave, tout travail personnel réel qui éclaircirait la cause de leurs difficultés et quelquefois de leur violence, ce qui bien souvent précipite vers des symptômes plus profonds, inscrits en perversion, en addiction, en psychopathie, en état limite.

Ceci posé, ces discours seront susceptibles d’être compris en fonction de l’utilité qu’ils peuvent avoir dans une perspective de distinction psychanalytique et psychothérapeutique, et pour éviter l’embourbement des patients dans des travers idéologiques facilement séducteurs mais vains.

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de considérer la pertinence d’un discours psychothérapeutique (psychiatrique, psychologique, psychanalytique), la question de la hiérarchie des concepts, des normes nosologiques, de la hiérarchie de l’abord des pathologies, et de situer ces ensembles dans une perspective allant de la morale à l’éthique.

Discours psychanalytique et jargon

« […] l’homme, tout en étant déterminé par un destin, peut se libérer de ses chaînes pulsionnelles grâce à une exploration de lui-même […] Cette discipline étrange a été injuriée autant par les religieux fanatiques que par les régimes totalitaires ou les scientistes forcenés, soucieux de réduire l’homme à une somme de circonvolutions cérébrales.
Mais elle a été aussi tristement adulée par ses adeptes qui ont souvent contribué à son abaissement à force de jargon. »
Elisabeth Roudinesco, Dictionnaire amoureux de la psychanalyse, 2017.

Dans la pratique psychanalytique elle-même d’abord, en termes de courants sociologiques et militants pour échapper (c’est au mieux une résistance, au pire une défense, rempart ou forteresse) à la confrontation avec son propre inconscient, nous pouvons croiser :
La « schizo-analyse » (Deleuze, Guatari) a fait long feu mais le wokisme revendique à présent l’inexistence des pathologies mentales, l’invalidité de la médecine, de la psychiatrie, des mathématiques, etc[14]. qui ne seraient que des constructions patriarcales inadaptées, tout comme dans les théories et « techniques » exposées dans leur livre Anti-Œdipe. Des générations de post soixante-huitards ont voulu déconstruire, après la psychiatrie (« l’anti-psychiatrie ») la psychanalyse tout entière à commencer par déconstruire Freud, puis son approche des mythes fondateurs. (Il y a toujours quelque chose qui ne va pas dans les tentatives de déconstruction. Quelquefois c’est la sexualité perverse (Foucault), quelquefois c’est l’imposture (Deleuze), c’est, quoi qu’il en soit, souvent une tentative pour « tuer le père » (et d’abord, vouloir se mettre à sa hauteur, ainsi qu’il en est dans les nombreuses associations de psychanalyse qui se réclament (mais mal, souvent de façon à le réciter, sans distance, sans exégèse) de Jacques Lacan[15] » et laissant rares les instituts freudiens, Dieu merci encore influents, sauf à l’université[16] qui les a placés au second plan, au profit des « luttes intersectionnelles » wokistes.
Il ne faut pas confondre ces laborations approximatives avec les développements littéraires proposés en tant que tels comme par exemple « la méthode paranoïaque critique » de Dali qui a eu plus de succès sur le plan de la créativité (sublimation) et de l’interprétation (cela lui a permis de comprendre la dimension inconsciente de chefs d’œuvre de la peinture mondiale, comme l’Angélus de Millet[17]) dont la pertinence a été avérée[18] se plaçant ainsi dans le sillage de Freud (Sainte Anne, la Vierge et l’enfant Jésus[19]).
Nous retrouvons quelques de ces tentatives dans les termes usités ensuite dans un certain nombre de pseudo-psychanalyses, « psychanalyse interpersonnelle », « psychanalyse jungienne », « psychanalyse inclusive », « psychanalyse féministe », « Daseinanalyse », « Queer analyse » (ne riez pas, ça existe !), etc. et dans de très nombreuses « psychothérapies[20] », au point qu’il suffit d’exciper du substantif psychanalyse pour jeter le voile  sur les incomplétudes conceptuelles des pratiques et de ce qu’elles révèlent de résistances et de défenses individuelles.

Discours « psychanalytique » et détournement de concepts. La structure en psychanalyse

L’inconscient n’est pas structuré. Il est instable, d’expression multiple, mouvant, polysémique, multiforme, « limite ». Une construction molle, mixte, évolutive, heurtée, chaotique.
Cette idée de structure est, dans les disciplines du psychique, la résultante erronée des développements d’un mouvement d’idées, le structuralisme, suivant en cela la filiation du positivisme et à la suite de l’existentialisme (Sartre), en vogue dans les années 60 d’abord en linguistique (Saussure), précisément en phonologie, puis dans les sciences sociales, en anthropologie (Lévi-Strauss), en critique littéraire (Barthes), en philosophie (Althusser), et rejetant la pensée diachronique, historique, temporelle, au profit d’une dimension synchronique, constructiviste, temporaire.
Peu d’auteurs (Piaget, en psychologie ; Petitot, en épistémologie) ont replacé le structuralisme dans le contexte plus large de l’histoire des idées. Il a été appliqué aux phénomènes psychiques une grille structurante qui n’a fonctionné que pour les discours univoques, formels, descriptibles dans certaines officines[21].
Nous avons eu le structuralisme, à présent nous avons le wokisme, aussi puissant sur le point de la contamination universitaire, mais bien moins pertinent sur le plan des fondations conceptuelles.
Le résultat c’est, par le biais d’une dépersonnalisation des individus au profit de minorités, l’enfermement dans un statut social militant et borné, plus grave, l’empêchement pour eux d’accéder à leurs motivations inconscientes les plus justes qui s’ensuit.
Par conséquent, l’autonomie intellectuelle devient impossible pour les wokistes[22], et la fermeture psychique, puisqu’auto-référentielle, selon le dogme dominant-dominé, devient la règle. Dès lors, les personnes, pour se soumettre à la doxa séparatiste, et pour dénier à quiconque le droit de les dominer intellectuellement, à l’occasion d’une nouvelle « anti-psychiatrie », d’un « anti-œdipe », d’un « anti-capitalisme », « anti-bourgeois », « anti-patriarcat », revendiquent d’appartenir à des groupes « psys » spécifiques valorisés, « non psychiatrisables », d’humains dominés « souffrant de handicaps » sociaux (« HPI » pour ne pas dire paresseux ou impolis, « TDAH » pour ne pas dire hystériques ou mal élevés, « bipolaires » pour ne pas dire maniaco-dépressif, « Asperger » pour ne pas dire schizophrène, etc.).
Les phénomènes sectaires (et communautaires) nous intéressent en ce que des individus créent ou dirigent des organisations collectives restreintes qui font en sorte de donner une forme officielle à leurs communautés et tentent d’imposer dans la société des idéologies particulières, intellectuellement perverses ou physiquement violentes. Le wokisme développe ceci à l’envi. Le déconstructionnisme wokiste, qui, en des formes acculturées du totalitarisme de minorités idéologiques, se propose d’ériger les particularités sexuelles, comportementales, raciales, identitaires en rejetons assertifs d’une civilisation devenue indésirable (car originellement supposant un travail, moral, esthétique, reconnu, redevable, éminent) et toujours à revendiquer quitte même, dans la suite des « marges » foucaldiennes ou de la poésie théâtrale lacanienne, à en bricoler les concepts jusqu’à l’absurde.
Notre idée est, comme de juste, que ces élaborations déconstructionnistes sont tout simplement des résistances/défenses qui évitent d’y aller : dans les méandres de son propre inconscient.
Et plus vous adhérez à ces communautés, plus vous vous éloignez de vous-même. Le principe en est le même que pour les perversions, les addictions, les psychopathies, les états limite.

Aujourd’hui de multiples « thérapies[23] » – Le terme psychothérapeute est à présent protégé – : « écopsychothérapie », « psychothérapie existentielle », « psychanalyse interpersonnelle », « psychanalyse humaniste », « psychanalyse intégrative », « psychanalyse relationnelle », « analyse psycho-organique », « psychosomatoanalyse », « queer-analyse » (!), etc., tous descendants tératologiques de la « schizo-analyse », des « marges » foucaldiennes, d’idéologies en mal de piliers conceptuels fiables, ont dépassé la simple extension dans le respect des principes de la psychanalyse pour tenter de normaliser les communautés militantes exemptes de justification argumentée raisonnablement et dénier l’inaccomplissement personnel de ses membres. Les composantes des phénomènes sectaires obéissent bien aux principes de ces dogmes construits la plupart du temps, à l’instar des minorités wokistes, sur une conception du monde dominant/dominé (racialisme, indigénisme, sexualisme, transgenrisme, intersectionisme, inclusivisme[24]), conception reposant sur la dualité actif/passif, comme par hasard, à l’œuvre dans les perversions.

Mythes

« Pour les Amérindiens et la plupart des peuples restés longtemps sans écriture, le temps des mythes fut celui où les hommes et les animaux n’étaient pas réellement distincts les uns des autres et pouvaient communiquer entre eux. Faire débuter les temps historiques à la tour de Babel, quand les hommes perdirent l’usage d’une langue commune et cessèrent de se comprendre, leur eût paru traduire une vision singulièrement étriquée des choses. Cette fin d’une harmonie primitive se produisit selon eux sur une scène beaucoup plus vaste ; elle affligea non pas les seuls humains, mais tous les êtres vivants[25]. »
Claude Lévi-Strauss, « La leçon de sagesse des vaches folles ».

À ce sujet, l’intention de conférer aux pulsions humaines des motivations bestiales, ou tératologiques, dans une sorte de refoulé primitif, se retrouve dans la bête mythique, sous ses multiples formes[26].

Le discours mythique

« Un mythe se rapporte toujours à des événements passés « avant la création du monde » ou « pendant les premiers âges », en tout cas « il y a longtemps ». Mais la valeur intrinsèque attribuée au mythe provient de ce que les événements, censés se dérouler à un moment du temps, forment aussi une structure permanente. Celle-ci se rapporte simultanément au passé, au présent et au futur. »
Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale.

« Il y a longtemps ». On pourrait dire « il y a profond ».

Le mythe (en grec ancien : « la parole », puis « le discours[27] ») est constitué d’une forme : un récit, d’un socle : une adhésion, d’une fonction : éclairer un mystère.
Le mythe est un récit en ce qu’il suppose une continuité narrative. À ce titre elle propose un cadre, des personnages, une action, une psychologie.
Généralement, une ou plusieurs entités sont personnifiées de manière allégorique ou symbolique. Aphrodite, qui représente l’amour, Psyché, qui représente l’âme, Arès, qui représente la guerre, Gaïa, qui représente la terre, etc.
Ces divinités, dieux, demi-dieux, animaux, monstres parois, possèdent une ascendance et des descendants, et s’inscrivent dans une lignée. C’est la notion d’environnement, qui rejoint celui développé par la psychanalyse et axé sur la génétique, ou l’épigénétique et sur la dimension familiale des problématiques psychiques, qui se joue là.
Dans le mythe, la narration est fixée ou résumée, à travers les systèmes de l’allégorie ou du symbolique, cependant que le mythe peut toujours se déplier en la forme narrative d’un conte, d’une légende, d’une épopée, d’un épisode.
La dimension religieuse du mythe, si elle ne peut être éludée, ne le fait pas s’apparenter à une croyance religieuse à proprement parler. Par contre, la profondeur, psychique et affective, du mythe, le dote d’une puissance sacrée indéniable. Dans certains cas, les récits, contes et légendes les rapprochent de cet aspect sacré dans la mesure où leur signification dure à travers les siècles, même si les tentatives de réécriture wokiste tentent de réduire leur portée universelle en les rapportant à des phénomènes sociaux limités à un regroupement selon une couleur de peau, un genre, une sexualité, une particularité physique ou psychique.

Par ailleurs, ces récits, ces formes multisémiques de fictions, sont baignés de dimensions fabuleuse, symbolique, magique, d’une inquiétante étrangeté, merveilleuse, fantastique, qui font représenter les personnages, les objets, les actants qui apparaissent alors nantis d’une apparence, d’un pouvoir, d’une épaisseur extraordinaire où, par excellence, l’ordre de succession chronologique se résorbe dans une construction matricielle atemporelle et cependant marquée spatialement. Ceci nous amène à considérer, après leur profondeur, la permanence des mythes, en particulier dans leur propension à faire se coordonner le monde des hommes et le monde des dieux, proposant une explication du monde universelle, et révélant dès lors, et en nous-même, un espace mental caché commun mais dont l’appropriation est personnelle. C’est ainsi que les principes du réel sont clairement constitutifs des mythes qui sont riches d’une étiologie : du feu prométhéen demeure le feu, de Gaia demeure la terre, de Jupiter la foudre, d’Icare une île, d’Éros la vie, de Thanatos la destruction. La fiction mythique est non seulement un aboutissement d’un récit dans la réalité, mais elle révélatrice de composantes entières de la personne, ce qui en fait des écritures primordiales, non littérales mais littéraires, au sens premier, issues du commencement des temps et des êtres.

Homère, au VIIIe siècle av. J.-C., Pindare, au Ve siècle av. J.-C., Apollonios de Rhodes, au IIIe siècle av. J.-C., Aristophane, au Ve av. J.-C., Platon, au IVe siècle av. J.-C., conjuguent la tragédie, la poésie, la philosophie, la morale avec le mythe, voire le mythe avec le verbe, et, en relisant la distinction faite par ce dernier entre muthos et logos, c’est-à-dire entre l’évocation imaginaire, subtile et reconstruisant une vérité profonde et le verbe raisonné, déduit et ouvert à une vérité discursive, argumentée, nous pouvons ainsi comprendre Virgile (L’Énéide), au 1er siècle av. J.-C., comme une cohérence articulant le destin d’un héros à la naissance de la Rome civilisationnelle, et Tite-Live, au 1er siècle après J.-C., qui revient au texte historique pour conférer une lecture exacte au mythe historique, jusqu’à Ovide, au 1er siècle avant et après J.-C., selon qui les êtres changent de forme au gré de leur caractère, ce qu’illustreront Catulle, au 1er siècle avant J.-C. Sénèque, au 1er siècle et Apulée, au 2e siècle.
Avant ces développements, au temps de l’âge archaïque de la Grèce, on ne discerne pas d’opposition réelle entre muthos et logos. Dans les deux cas le récit est sacré, qui s’applique aux dieux et aux héros, et retrace des généalogies dans le mouvement desquels on augure les développements freudiens, lui-même grand helléniste, et qui concernent les environnements, familiaux et psychiques, évoqués précédemment.

Nous pouvons penser que mythe et discours sont parfois figés, le plus souvent en mouvement, et sont conjugables, et, dans un certain mode d’interprétation, segmentables et substituables.
En effet, les sciences des religions abrahamiques et l’anthropologie ont élaboré une compréhension du mythe en adéquation avec la raison. Mythe et discours sont deux manières d’obtenir un ensemble cohérent dirigeant vers un travail, sinon d’interprétation personnelle, du moins de conceptualisation. Cette dimension entraîne la considération dans les textes fondateurs de la civilisation gréco-judéo-chrétienne de mythes détachables des ensembles religieux proprement dits.

Récits originels[28] et mythes de la Création

Les « récits originels» sont des récits, scientifiques ou mythologiques, se rapportant aux mythes des origines, qui relatent les débuts d’un peuple, les débuts de l’humanité, la naissance de la terre, le début de la vie même, le commencement de l’univers en un récit cosmogonique. Ces récits mythiques peuvent provenir de recherches scientifiques (Big Bang), de découvertes archéologiques (Jéricho, Babel), de croyances religieuses (Création).

Entre le Xe siècle avant J.-C. et le début de notre ère, dans la Thora écrite et dans la Bible, figurent les cinq livres du Pentateuque : la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, puis le livre de Josué, le livre des Juges, le livre de Ruth, reconstituant l’histoire du peuple juif, dont la composition d’ensemble inclut des raccords, des interventions, des commentaires intégrés à une trame initiale. Dans ces textes, quelques chapitres ressortissent au récit mythique. Le récit du Déluge et de Noé, le récit de la tour de Babel, comme source de la diversité des langues, développent des dispositifs allégoriques impliquant la responsabilité, et, éventuellement, la culpabilité des hommes, dans leurs décisions et dans leurs actions.
Le livre de Josué, récit épique impliquant Yahvé exerçant son pouvoir sur les murailles de Jéricho donne la préséance de la foi sur la force, ce à quoi, à l’instar de la réalité historique, les faits donnent une certaine épaisseur historique (une ville fut retrouvée sur le site de la Jéricho biblique, dont les remparts s’écroulèrent au XIVe siècle avant J.-C., à la suite d’un tremblement de terre).
Le texte juif de la Thora, rédigé au Ier siècle après J.-C. à partir de la tradition orale, ne présente pas de mythes. Il en est ainsi du Nouveau Testament chrétien, qui retrace la vie de Jésus et de ses apôtres ou décline les épîtres adressées aux premières communautés chrétiennes. L’Apocalypse de Saint Jean se déroule en cohérence avec quelques mythes eschatologiques, même s’il s’agit de ressemblances qui tiennent au sujet de la fin du monde terrestre et de l’établissement du royaume de Dieu. Les textes musulmans du Coran ne comportent pas non plus de mythes à proprement parler.

Mythes et sagesses orientales

Les sagesses orientales mettent en valeur les mythes indiens, d’origine antique, issus de la littérature indienne, avec les Védas et deux célèbres épopées : le Râmâyana (la « geste de Râma ») et le Mahâbhârata (la « guerre des Bhârata »), lesquelles se déroulent entre le Ve siècle avant J.-C. et le IVe siècle de l’ère actuelle et qui font apparaître des divinités que l’on peut qualifier de mythiques, telles Ganéshâ, qui a une tête d’éléphant et un corps de petit garçon, Hanoumâ, le dieu-singe, Dourgâ, qui a dix bras, Brahmâ, qui montre quatre visages. Ces divinités peuvent évoluer et changer d’apparence, tel Vishnou qui, lorsqu’il descend dans notre monde, modifie sa forme et revêt une expression concrète temporaire (avatar[29]).
L’originalité de ces sagesses hindouistes repose en grande partie sur l’idée de la mobilité des divinités sur le plan de l’apparence, corps, membres, visages, sur celle des changements des aspects et des noms en fonction des régions, sur celle des transmigrations (réincarnations mélioratives ou péjoratives, dans un corps d’animal, d’homme, de caste), en fonction du comportement des personnes sur terre, sur celle de différents mondes. Le mythe pourrait représenter une forme de stabilité et de continuité par rapport à la multiplicité sémantique de cette sagesse religieuse.

Entre 3200 avant J.-C. et le IVe siècle de notre ère, la mythologie égyptienne magnifie le rôle et la densité mythique et religieuse des animaux : divinités à tête de chat, de chacal, de vautour, de cobra, de vache, de bélier, constituent un panthéon animal composite, célébré par le pharaon. La littérature sacrée ou les inscriptions religieuses consignent rites et prières (Le Livre des morts développe les bons arguments pour permettre à l’individu de s’adjuger l’indulgence des juges de l’enfer). Peu de mythes, hormis ceux de la puissance animale, s’expriment dans les cycles organisés autour d’un dieu majeur, tels le cycle solaire, le cycle horien, le cycle osirien.

Mythologie celte

Comme précédemment, les mythes celtes sont obscurs car la transmission du savoir mythologique et religieux des druides était, à l’instar de ceux-là, orale, et il est nécessaire de se référer à des témoignages grecs et romains, qui n’étaient pas prompts à les mettre en valeur, en apposant des noms méditerranéens sur ces divinités étranges et peut-être négligeables pour eux.

Malgré un immense territoire qui s’étendait avant notre ère de l’Irlande à la mer Noire et des Orcades à l’Espagne, les mythes celtes se sont en grande partie éteints mais, partiellement, transmis, oralement, en poésies ou en chansons, dont la mémoire, grâce aux moines d’Irlande, d’Écosse, du Pays de Galles, de Bretagne, se maintient.

Mythologie germanique, balte, slave

Enfin, la mythologie des Germains et les croyances germaniques sont perçus par le biais de Wagner et de ses opéras, et grâce à des textes des XIIe et XIIIe siècles (le Danois Saxo Grammaticus, 1140 ? -1206, l’Islandais Snorri Storluson, 1178-1241, qui ont pu se référer à des récits très anciens (monde sacré appartenant à des géants, comme Thor, des dieux, comme Odin) se combinant avec les ancêtres et les grands patriarches à l’occasion de l’écriture de textes sacrés, de sagas historiques, avec une marquante exceptionnalité pour les mythes des Baltes et des Slaves, complexes et mystérieux.

Mythes fondateurs de la psychanalyse : Œdipe et Narcisse, Éros et Thanatos

Cette large thématique de la concordance des deux plus puissants mythes, complexes et concepts de la psychanalyse fait l’objet d’un développement à suivre en séminaire, dans lequel nous ferons apparaître les corrélations logiques des deux systèmes, Narcisse et Œdipe, les deux antonomases les plus fameuses de tous les temps et des deux pulsions, Éros, pulsion de vie et Thanatos, pulsion de mort, les plus importantes de la métapsychologie freudienne et de la psychanalyse.

Pour se familiariser avec l’actualité des mythes en psychanalyse, voici de courtes lectures :

Nicolas Koreicho, Éros et Thanatos, 2020, Site de l’IFP. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/eros-et-thanatos-dempedocle-a-freud-les-deux-theories-des-pulsions/

Guy Decroix, Éros et Thanatos, Quelques repères mythologiques à l’usage de la psychanalyse, 2020, Site de l’IFP. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/eros-et-thanatos-quelques-reperes-mythologiques-a-lusage-de-la-psychanalyse/

Nicolas Koreicho, Narcisse et narcissisme, 2021, Site de l’IFP. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/i-de-narcisse-au-narcissisme/

Nicolas Koreicho, 2023, L’Œdipe, Site de l’IFP. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/loedipe/

Nicolas Koreicho – Octobre 2023 – Institut Français de Psychanalyse©


[1] Cf. Carine Azzopardi, Quand la peur gouverne tout, 2023, qui démontre comment wokisme et islamisme s’utilisent l’un l’autre pour détruire les fondements de la démocratie et des Lumières.

[2] Le livre de chevet de Freud, travaillé et annoté plus que tout autre ouvrage, était le traité de logique de John Stuart Mill : Système de logique déductive et inductive, Exposé des Principes de la Preuve Et des Méthodes de Recherche Scientifique, 1843.

[3] Les modi essendi représentent ce que sont réellement les choses, c’est le sujet de la métaphysique et de la physique ;
les modi intellegendi représentent les choses telles qu’elles sont représentées dans l’intellect ;
les modi significandi représentent les choses de manière signifiée, selon le mode qui est le sujet de la grammaire.

[4] Saussure distingue quatre caractéristiques du signe linguistique :
L’arbitraire du signe : le lien entre le signifiant et le signifié est arbitraire (c’est-à-dire immotivé), car un même concept peut être associé à des images acoustiques différentes selon les langues.
Le caractère linéaire du signifiant : « le signifiant, étant de nature auditive, se déroule dans le temps ». Les éléments des signifiants se présentent donc obligatoirement les uns après les autres, selon une succession linéaire : ils forment une chaîne.
L’immutabilité synchronique du signe : le signifiant associé à un concept donné s’impose à la communauté linguistique : un locuteur ne peut décider de le modifier arbitrairement.
La mutabilité diachronique du signe : les signes linguistiques peuvent néanmoins être modifiés par le temps, par l’évolution linguistique (cf. l’historique de la phonétique et les modifications du signifiant, du signifié ou de leur rapport).

[5] Un representamen (signe matériel) dénote un object, un objet (un objet de pensée) grâce à un interpretant, un interprétant (une représentation mentale de la relation entre le representamen et l’objet, un sens).

[6] Loi symbolique : code du totem et du tabou non écrits défini de manière universelle. Cf. Nicolas Koreicho, La Loi symbolique, 2014. Site de l’IFP. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/la-loi-symbolique/

[7] Le mythe : Le mythe de la tour de Babel, allégorie biblique sur la vanité humaine, est basé en partie sur des faits historiques. Cette histoire de la genèse de l’ancien testament témoigne de l’orgueil des babyloniens qui, en voulant atteindre les cieux, ne purent que provoquer le chaos sur terre. Pour punir les hommes de leur vanité, Dieu créa les langues différentes qui les empêchèrent de communiquer entre eux et aboutit à la dispersion des descendants de Noé à travers le globe.
En ligne : https://toutelaculture.com/actu/la-tour-de-babel-lhistoire-derriere-le-mythe/
Cf. Babel, film réalisé par Alejandro González Iñárritu avec Brad Pitt et Cate Blanchett, 2006. En plein désert marocain, deux jeunes garçons tirent un coup de feu en direction d’un car de touristes. Le coup de fusil va déclencher toute une série d’événements qui impliqueront un couple d’américains en difficulté relationnelle, les deux jeunes Marocains auteurs du crime plus ou moins accidentel, une nourrice qui voyage illégalement avec deux enfants américains, une adolescente japonaise rebelle, sourde et muette, dont le père est recherché par la police à Tokyo pour résoudre l’affaire. Séparés par leurs cultures, leurs modes de vie, leurs motivations, chacun de ces quatre groupes de personnes va cependant connaître une même destinée d’isolement et de douleur, avec un point commun : le fusil.

[8] Cf. supra

[9] La sémiologie psychiatrique est celle qui, pour notre propos, est allée le plus loin dans l’idée d’une juste description des troubles.

[10] Une figure de style, du latin figura, est un procédé d’écriture qui s’écarte de l’usage ordinaire de la langue et donne une expressivité particulière au propos. On parle également de figure rhétorique ou de figure du discours.
De manière générale, les figures de style mettent en jeu : soit le sens des mots (figures de substitution comme la métaphore ou la litote, l’antithèse ou l’oxymore), soit leur sonorité (allitération, paronomase par exemple) soit enfin leur ordre dans la phrase (anaphore, gradation parmi les plus importantes). Elles se caractérisent par des opérations de transformation linguistique complexes, impliquant la volonté stylistique de l’énonciateur, l’effet recherché et produit sur l’interlocuteur, le contexte et l’univers culturel de référence également.
La linguistique moderne a renouvelé l’étude de ces procédés d’écriture en introduisant des critères nouveaux, d’identification et de classement, se fondant tour à tour sur la stylistique, la psycholinguistique ou la pragmatique. Les mécanismes des figures de style sont en effet l’objet de recherches neurolinguistiques et psychanalytiques.

[11] Un trope (du grec τρόπος, tropos, ‘direction’, ‘tourner’, du verbe trépo, ‘faire tourner’) est une figure de style ou de rhétorique par laquelle se produit un changement de sens, qui peut être interne (au niveau de la pensée) ou externe (au niveau des mots). Dans le premier cas et lorsqu’il n’y a qu’une seule association d’idées, on l’appelle périphrase ; si l’association d’idées est de nature comparative, une métaphore se produit, qui est le trope par excellence. La rhétorique classique, selon Lausberg, ne classe comme tropes que la synecdoque, l’antonomase, l’emphase, la litote, l’hyperbole, la métonymie, la métaphore, la périphrase, l’ironie et la métalepse (un type rare de métonymie que nous aimons bien. Ex. Il n’est de bonne compagnie qui ne se quitte).
Tropes majeurs : La métaphore, trope par ressemblance ; la métonymie, trope par correspondance ; la synecdoque, trope par connexion (Ex. jeter un œil) ; l’ironie, voisine de l’antiphrase.
Tropes mineurs : la comparaison ; le symbole ; l’allégorie ; la parabole ; la périphrase (Ex. le grand timonier) et l’hypallage (Ex. Ça sent le propre).

[12] Narratif, descriptif, argumentatif, explicatif, injonctif.

[13] La pragmatique est une branche de la linguistique qui s’intéresse aux éléments du langage dont le sens ne peut être compris qu’en connaissant le contexte de leur emploi.

[14] Colloque en Sorbonne – Janvier 2022 : « La multiplicité des domaines abordés a permis de comprendre l’étendue de la pensée décoloniale qui ne se contente plus de contaminer les sciences humaines, mais s’attaque aussi à la musique, aux mathématiques, à la physique. Après tout, pourquoi le discours de Newton, symbole de la science blanche occidentalo-centrée, aurait-il plus de poids que la tradition chamanique sur l’explication du phénomène de la lumière ? Tout se vaut ! Le colloque égrène les perles de la culture woke. La métaphore supposée devient science : un sonnet de Ronsard est interprété comme expression de la culture du viol, des tapisseries de la villa Médicis à Rome sont dénoncées comme des symboles de l’esclavage, les premières notes de l’Allegro con brio de la Ve symphonie de Beethoven (le célèbre pom pom pom pom) sont considérées comme une métaphore du viol… »

[15] Cf. Derrière la controverse entre Henri Ey et Jacques Lacan autour du concept de liberté, nous sommes confrontés à une opposition de conception anthropologique. Le système de pensée de Henri Ey, pour qui l’homme normal est libre et autodéterminé, inscrit dans l’humanisme philosophique, un autre système de Jacques Lacan, pour lequel l’homme reçoit ses déterminations essentielles de l’extérieur et pour qui l’individu normal est aliéné dans le langage, ce qui constitue un supplément au matérialisme historique. De ce fait la folie constitue pour l’un une insulte à la Raison, une entrave à la Liberté, et pour l’autre la libération des contraintes constituantes de la norme oppressive.

[16] Cf. Michel Onfray, cependant excellent intellectuel, qui, à peu près seul philosophe à tenir ces propos, nie la validité des thèses freudiennes et nie l’existence du Christ. Si ce n’est pas vouloir « tuer le père » (et le retrouver) par auteurs interposés (et prestigieux : ils tiennent une place éminente dans l’inconscient), nous ne savons pas ce que c’est.

[17] Salvador Dali, Le Mythe tragique de l’Angélus de Millet, 1963.

[18] Selon Dali, le thème inconscient prépondérant de l’Angélus est la mort du fils. Dali postule que le couple figurant sur le tableau n’était pas simplement en prière au moment de l’angélus, mais qu’il se recueillait devant le petit cercueil de leur fils décédé. En 1963, sous l’insistance du Maître, le musée du Louvre décida de faire analyser le tableau aux rayons X. La radiographie révéla en effet que, à la place du panier, figurait un caisson noir confirmant l’intuition du peintre surréaliste, et qui représentait le cercueil d’un enfant que Millet avait voulu peindre dans un premier temps.

[19] Sigmund Freud, Un souvenir d’enfance de Léonard de Vinci, 1910.

[20] Alexandre Santeuil, La liste noire des thérapies, Site de l’IFP, 2012-2022. https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/la-liste-noire-des-therapies/

[21] Lacan, qui n’était pas à une provocation près, a même tenté l’assertif (et prétentieux) « l’inconscient est structuré comme un langage », alors que, et même si l’on peut déceler dans l’inconscient des microstructures, temporaires le plus souvent et systématiquement instables, c’est l’interprétation de l’inconscient qui peut, sous certaines conditions, être structurée. Pour Freud, plus modeste – plus prudent – et plus scientifique, l’inconscient fonctionne comme un texte.

[22] Cf. Nora Bussigny, Les nouveaux inquisiteurs : L’enquête d’une infiltrée en terres wokes, 2023.
https://www.youtube.com/watch?v=mVLKL5QziSg

[23] Les thérapeutes sont à l’origine – ce qui tombe très bien pour notre propos – une secte juive hellénisée d’Alexandrie décrite par Philon d’Alexandrie, vouant un culte à la chasteté et à la contemplation.

[24] Cf. l’invraisemblable escroquerie de « la relecture en sensibilité » (Non-racisée Neige et les sept personnes de petite taille pour Blanche Neige et les sept nains !).

[25] Claude Lévi-Strauss, « La leçon de sagesse des vaches folles », Études rurales, 157-158 | 2001, 9-14. Cf. le texte ici.

[26] Nicolas Koreicho, La Bête, en ligne sur le site de l’IFP, https://institutfrancaisdepsychanalyse.com/la-bete/, 2022.

[27] Cf. Roland Barthes, Mythologies, 1954-56 : le mythe est d’abord une parole. La mythologie réunit le muthos, parole, en tant que discours simple et le logos, parole, en tant que discours logique.

[28] Récit sacré rendant compte du mystère des origines.

[29] Krishna est un avatar de Vishnou.

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