Archives de catégorie : Publications

Les fêtes de fin d’année

Nicolas KOREICHO – Janvier 2008

Déception et promesse

« Penche-toi sur ton passé, répare ce que tu peux réparer, et tâche de profiter de ce qui te reste. »
Philip ROTH

Les « fêtes » de fin d’année résonnent comme un bilan, une jauge de l’état de nos vies. Elles ont cette particularité de permettre que l’on observe, de leur point de vue, de cette sorte de palier d’évaluation, avec l’œil neuf et le regard usé de cette période de fin et de commencement, où l’on en est.
Cela est dû à la rencontre du passé et de l’enfance, avec Noël, et du futur et de l’âge adulte, avec le nouvel an.
C’est la coïncidence de l’espoir d’un Noël plein de promesses avec la désillusion de la répétition crainte de l’année nouvelle, de la joie toujours déçue des cadeaux si « l’on a été sage » avec le bilan sans cesse inachevé car on ne l’a pas été assez.
Ces deux événements ont aussi une réalité historique et théologale très puissante pour la civilisation et à ce titre sont un rappel et une parenthèse de joie (« foi »), d’amour (« charité »), d’advenir (« espérance »).
Il y a derrière ce décembre mortifère ponctué de joie et de crainte mêlées quelque chose du paradis perdu, pour toujours. Et dans l’ombre de ce janvier que les jours augmentant commencent à porter quelque chose de la culpabilité, corde éternelle de l’enfance, vibrant encore.
L’impression de vide laissée par cet entre-deux années vient aussi de ce que l’on se sent accroché à ce fil qui va de l’exaltation d’une vie qui serait toujours Noël – en laquelle l’autre répondrait naturellement à cette invocation, pulsion d’appel – à ce poids de la mort qui vient de l’année sans cesse finie et qui nous rappelle l’inéluctable.
La difficulté et l’intérêt de la vie – et la joie si l’on en use – se poursuivant quand même, c’est que notre vérité, la beauté de l’autonomie et de la liberté, se trouve précisément entre ces deux absolus, naissance et mort. Voilà tout le plaisir de la vie où l’on peut construire notre corps érigé et renoncer, chaque chose en son temps, à l’alitement obligé.
Essayer de réparer ce qui peut l’être, de retrouver les bons moments, de rendre heureux ceux dont nous sommes responsables, de s’habituer à une forme de solitude, sans isolement, de s’entourer de la beauté, d’être bon avec les gentils, de se tenir loin des méchants, de respecter la vie, les plantes, les animaux, les humains, l’eau, de regarder ce qui brille, et qui palpite, et qui scintille, et qui est beau de l’enfance encore. Penser, rêver, approfondir, faire ce qui est bon et qui fait du bien, parler, pleurer et rire.

Nicolas KOREICHO – Janvier 2008 – Institut Français de Psychanalyse©

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Une hypothèse sur le phénomène anti Sarkozy

Louis Santeuil – janvier 2008

Une hypothèse sur les élans affectifs, de haine (de mésamour ?), que suscite Nicolas SARKOZY et leurs conséquences.

Les mouvements sociaux et les diverses oppositions auxquels a été durant le quinquennat 2007 – 2012 confrontée la politique de notre pays sont pour une large mesure d’origine inconsciente.
En réalité, les sentiments d’hostilité dont a été l’objet Nicolas SARKOZY, lesquels s’expliquent sans doute principalement par des transferts massifs, vont être la cause de mouvements sociaux non justifiés objectivement.
Les propos de haine ( ? : d’envie, de rivalité, en réalité de mésamour…) qui pleuvaient presque constamment et dès le début du quinquennat sur le chef de l’Etat ne sont pas inhabituels et touchent tous les présidents de la République. Cependant, il reste que les éléments formulés récemment encore, particulièrement les critiques, se distinguent des diatribes habituelles sur deux registres.
Tout d’abord, c’est la personne physique de Nicolas SARKOZY qui fut soumise aux élans et aux attaques, alors que la vie de cet homme était assez semblable sur le fond à celle de n’importe quel autre homme de pouvoir, distincte cependant au niveau de la position de responsabilité occupée. Les différences de traitement de sa personne et qui entraînaient les attaques étaient spécialement dues à son rang, à sa fonction et à ses prérogatives, à une partie de sa dimension phallique (le grand frère), car il était le chef de l’Etat (auparavant le chef de l’Etat était le père de la nation).
Ensuite, ce sont davantage les discours et les comportements, verbaux et implicites, que la politique du président de la République qui, malgré les apparences, firent l’objet de condamnations, puisque presque jamais aucune argumentation ne fut développée de manière satisfaisante.
Les arguments de ceux qui courent le risque de l’expression et du discrédit, sont d’ordre émotionnel, voire personnel (arguments de « contre-autorité » en rhétorique) et dénotent en cela une gestuelle agressive primaire s’appuyant sur des vulgates faibles, et sont « avancés » par ceux parmi les moins équipés conceptuellement, les plus violents verbalement et les plus dogmatiques (ou les plus conformistes et affidés à des médias connotés d’opposition). Les intellectuels eux-mêmes soumis à ce pathos empruntent des formes de critique fondées sur des « procès d’intention ».
Ce double éreintement en réalité à côté provient d’un fait inédit qu’est simplement, lequel se traduit par un comportement, un discours au sens large, c’est-à-dire l’âge du capitaine.
En effet, nous n’avions eu jusqu’à présent comme responsable de notre pays que des hommes dont les années étaient propices à représenter le statut de Père de la nation. Or, nous sommes aujourd’hui confrontés à un homme qui se présente et se représente, du point de vue du mode de vie et de l’image personnelle et professionnelle, comme le Frère plutôt que comme le Père symbolique.
A ce titre, son pouvoir, son mode de vie et les qualités de sa femme suscitent auprès de ses frères de pouvoir, journalistes (François MITTERRAND parlait de « classe politico-médiatique », ici nous parlons de fratrie donc), intellectuels fonctionnaires, personnalités bien pensantes de l’art et de la mode, du show-business, patrons privilégiés de syndicats, une intense pulsion transférentielle agressive de rivalité (et sa forte composante de jalousie), facilement transmise par ces maîtres à penser aux franges populaires.
C’est pourquoi jamais chef de l’Etat ne suscita autant de sentiments si chargés d’affect négatif de ses rivaux masqués.
En effet, le grand frère est censé nous ressembler. Il nous est moralement et psychologiquement substituable. Il est à la fois le rival, et celui qui est censé réparer les défaillances du père.
C’est là que résident l’essentiel de la haine, plutôt que la raillerie habituelle (pensons aux soi-disant comiques et autres people mais souvent d’abord vrais militants), et la considération, de la part de nos aînés, dont il est l’objet, et qui est fondé sur une rivalité respectueuse (comme lorsque l’on respecte, à la loyale, son ennemi) archaïque.
Le frère de la horde primitive* s’est un jour, avec l’aide du reste de la fratrie, révolté contre le père : ils ont tué celui-ci, constatant que rien de bon ne pouvait advenir à la famille humaine si un seul homme, le père, continuait de s’adjuger les femelles de la horde et de soumettre (argument d’autorité) la fratrie.
C’est au passage cette position qui explique l’exploitation que l’on peut faire des prétendus abus somptuaires dont le Président se serait montré coupable : la prévalence du grand frère sur la nourriture (le Fouquet’s) et sa prérogative sur le phallique (le Boloré’s yacht) qui la symbolisent, sont ici concernés comme pouvant priver les autres (les autres politiques, les journalistes patentés, quelques penseurs, certains artistes) du phallus.
La rébellion de la fratrie dans la horde primitive* donnait à leurs prérogatives espérées l’idée qu’elles pouvaient être conditionnelles et susceptibles d’être remises en question ; car étant plusieurs frères souhaitant s’imposer à « égalité » eu égard au sexuel, ils pouvaient tous un jour prétendre au pouvoir. Ainsi, une telle révolte conférait à leurs attributs le sentiment qu’ils pouvaient aussi bien leur être enlevés (seconde castration). Devant faire montre de « fraternité » ils étaient pourtant censés n’utiliser leur attribution phallique qu’au sein d’une compétition. L’éthique fratricielle reste ainsi à inventer.
D’ailleurs, les jeunes générations à ce titre se révoltaient (alors) plus normalement contre le Président car il avait représenté bien certainement leur père à eux. Cependant certains adultes non suffisamment étayés affectivement ou par trop rigidement consolidés se prennent au jeu de l’instinct de la horde et de ses excès facilement mortifères.
Une personne éminemment placée qui se dé-complexifia si ostensiblement du système archaïque de l’Œdipe, pour ceux-là qui attendaient encore du père la sanction du surmoi, le rétablissement d’une autorité inaliénable, bref la soumission, fut un ennemi redoutable, puisqu’il fit échec à leur pathos frustré de n’avoir pu rencontrer le père, contre lequel l’archaïque envie de meurtre s’exprima.

Louis Santeuil – janvier 2008 – Institut Français de Psychanalyse

*Sigmund Freud, Totem et tabou

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Une nouvelle donne

Nicolas Koreicho – Juillet 2007

« Penser qu’on peut survivre est ce qui nous permet de survivre »
Grey’s Anatomy

Que nous apporte cette année. Une nouvelle donne comme disent les journalistes petits joueurs. Et bien justement. Peut-être de nouveaux repères. Le siècle est, existe et pourtant n’est pas spirituel. Ou alors pour le pire. D’un côté, les religieux tueurs, les sectaires menteurs, les cadres manipulateurs.
La violence. D’un autre côté, la poésie parfaite de la moindre série américaine, la sensualité immortelle d’un concerto vénitien oublié, le tendre partage d’un air pop des garçons de Liverpool.
Et puis, une autre forme de spiritualité, dégagée des normes, des dogmes, des idées reçues. Des valeurs sont encore à trouver qui, comme la religion, ont pour fonction de relier, mais pour le meilleur.

Les idéologues sectaires à courte vue perdent du terrain, les progressistes et les conservateurs s’intervertissent. On ne peut pas construire en n’utilisant que la critique et le dénigrement. Un point de moins au meurtre symbolique. John Fitzgerald, si tu nous regardes…
Les idéologies religieuses guerrières, qui coiffent, qui cachent et qui coupent, les têtes, les visages et les sexes, des garçons et des filles, font apparaître sans le vouloir le vrai dessin du bien et du mal. On peut décorer un homme de lettres que d’autres condamnent à mort. On peut faire autre chose que de ne rien dire des malveillants, des pervers qui passent à l’acte comme si c’était la chose la plus naturelle du monde. Un point de moins à l’obscurantisme. Giordano si tu nous vois…
Les révolutionnaires de jadis, bien-pensants et conformistes sont discrédités, ringardisés dans des discours perdus et à courte vue. On peut encore se tromper sur ce qui est bien et sur ce qui est mal dans un sous-discours médiatique. On peut encore faire mine de dire la loi. Thérèse, Thomas, Donatien Alphonse François, si vous nous écoutez…
Des non-dupes errent et exhibent leur a-sexuation de façade, et se montrent comme les refoulés patentés de la punition œdipienne.

On peut aussi faire le bien pour de vrai.

Tout cela est bon signe. Signe que l’on peut de nouveau signer. Liberté. L’absence de liberté est d’abord dans les esprits, dans l’inconscient. Il nous faut le revisiter, toujours et sans cesse. En bonne amitié, en bonne intelligence, se retrouver, et se trouver.
Et l’amour dans tout ça ?
Il est là. Il faut le reconnaître et l’apprivoiser, encore et toujours.

Nicolas Koreicho – Juillet 2007 – Institut Français de Psychanalyse©

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Catégories de psychothérapeutes

Nicolas Koreicho – Novembre 2006

«Nous ne sommes pas encore nés, nous ne sommes pas encore au monde, il n’y a pas encore de monde, les choses ne sont pas encore faites, la raison d’être n’est pas trouvée, la seule question est d’avoir un corps.»
Antonin Artaud

Divan Freud Londres

Il y a quatre catégories dans le monde des « psys » :
Des psychothérapeutes, des psychanalystes, des psychiatres, des psychologues. Tous doivent être psychothérapeutes.

Les psychothérapeutes ne peuvent apporter comme garantie de la scientificité de leur pratique, et donc de leur efficacité, une auto proclamation, une inscription sur un annuaire, ou uniquement un autre titre, fût-il prestigieux.
Ils doivent pouvoir apporter pour exercer des informations sur trois dimensions :
Leurs pratiques, leurs concepts, leurs formations.

Leurs pratiques :
Les pratiques concernent la durée des séances, les principes de fonctionnement, les prix appliqués. Une séance qui dure moins de 45 minutes ne laisse pas au patient la possibilité de participer au processus thérapeutique, de développer l’alternance des modalités d’expression nécessaire au travail sur soi (les associations, les raisonnements, les mouvements émotionnels), d’intégrer les langages (l’inconscient, le corporel, le rêve…) indispensables à la réalisation de soi, de se voir pleinement reconnu.
Dans les principes de fonctionnement des séances, la parole du thérapeute est indispensable. Son silence n’est plus seulement d' »attention flottante ». L’époque ne s’y prête plus. Il doit parler, expliquer, orienter, interroger, répondre.
Les tarifs se doivent d’être adaptés à la situation du patient. Il ne saurait être question de faire payer des séances un prix excessif, sans rapport avec le service rendu, ni de faire payer des séances loupées, dès lors que le patient a prévenu suffisamment tôt de son absence, ou que manifestement son absence ne peut lui être imputée.

Leurs concepts :
Les concepts, classiques et reconnus par les psychothérapeutes, les psychanalystes, les psychiatres, les psychologues, et utilisés par le praticien, doivent pouvoir être transmis au patient, dès lors que cet apport peut lui faire gagner du temps, et donc de l’argent, de l’énergie, du mieux être. Ainsi, l’explicitation des principes de fonctionnement des composantes et des mécanismes physiques, psychiques et relationnels de l’humain sont susceptibles de conférer au patient des alliances de compréhension de ses propres troubles, dysfonctions, désirs. Dès lors, il se trouve à même de s’approprier les conditions de son émancipation du désir, du savoir, du confort de l’autre.

Leurs formations :
Les formations des psychothérapeutes sont de deux ordres.
Pour se prévaloir de ce titre et de l’habilitation à exercer, le psychothérapeute doit pouvoir justifier d’abord d’un cursus universitaire ou d’école agréée au titre de l’enseignement supérieur d’une durée de 5 ans incluant les domaines indispensables à la compréhension du fonctionnement psychique de la personne : organisation de l’appareil psychique, psychopathologie, concepts fondamentaux de la psychanalyse.
Le psychothérapeute doit également pourvoir faire état d’une spécialisation dans au moins un domaine : psychologie, psychiatrie, psychanalyse, psychosomatique, psychanalyse de groupe, psychothérapie analytique…
Voici succinctement les éléments que chacun doit connaître pour choisir un « psy ». Triez le bon grain de l’ivraie, embrassez ce que vous voudrez, choisissez ce que vous aimez.

Nicolas Koreicho – Novembre 2006 – Institut Français de Psychanalyse©

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La misère ou des trésors

Nicolas KOREICHO – Novembre 2005

« On a trois ou quatre fois dans sa vie l’occasion d’être brave, et tous les jours, celle de ne pas être lâche. »
René Bazin

Éléphant de la Bastille – Projet d’Alavoine, 1813-1814, Musée Carnavalet

L’année qui commence ou le temps qui continue ? Que pourrait-on laisser derrière nous ?

La misère des cités, la misère sexuelle, la misère des pays, la misère du monde ?…

Y a-t-il des points communs entre l’amoralité et la violence des cités surpeuplées, des révoltes qui ne sont qu’ennui mal canalisé et ignorance, la misère sexuelle et la frustration, une soi-disant libération qui n’est que conformisme à la soumission, à la misère des pays, qui n’est que l’ignorance des rouages de leur politique, la misère du monde, qui n’est que l’absence de poésie ?…

Oui. Des trésors en voie de disparition. A l’image de la disparition du père, qui laisse brûler les voitures par les sauvageons privés de cadre, de la fonction paternelle, de l’autorité du Surmoi, et qu’ils devront trouver dans la loi des hommes, si les hommes en ont le courage, courage contre l’effacement du rien.

La civilisation qui recule sous le nombre.

La pensée, le beau langage, la valeur des choses.

Avec le déclin de la pensée, c’est-à-dire de l’utopie, avec l’affaissement du beau langage, c’est-à-dire de l’exactitude des termes, avec la relativisation de la valeur des choses, c’est-à-dire du discernement du bien et du mal, s’en viennent le sombre et le noir et le rouge, le couloir sans horizon et la déprime.

Il faut revenir à l’oiseau, au soleil, à ce qui brille, et à l’amour, à l’amitié, à l’enfance.

Et s’il faut sauver des trésors, il faut aussi empêcher la fin du tigre, et la fin du loup, et la fin du requin…

Nous serons là, toujours, éléphants !

Nicolas KOREICHO – Novembre 2005 – Institut Français de Psychanalyse©

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Les Vicariances

Les Vicariances

L’observation des gens dans leurs tâches quotidiennes montre que divers comportements permettent d’atteindre le même but. Chacun a des souvenirs de son enfance, de la façon méticuleuse qu’avait sa maman pour peler une pomme en faisant un long serpentin et la façon expresse du papa qui faisait un tas de confettis.  L’enfant, par imitation, va sans doute acquérir la parfaite maîtrise de ces deux comportements et les ranger secrètement dans sa mémoire. Pour peler une pomme, il possède au moins deux comportements ; on peut dire qu’il s’est développé « un catalogue de processus personnels ». Qu’est ce qui va faire que l’individu va choisir le comportement numéro 1 plutôt que le numéro 2 ? Va-t-il choisir celui qui lui convient le plus et ne plus utiliser le second ou au contraire utiliser toute sa vie les deux ? Est ce que tous les individus utilisent leur catalogue de la même façon ?

Passage du simple au complexe, de l’animal à l’humain. Des observations ont été menées sur la locomotion des canards qui permet d’étudier un catalogue de processus importants sur une population importante. En effet, le canard pour se déplacer d’un point à un autre, a le choix entre l’envole, les grands bonds, le sautillement, la marche et la nage. L’analyse montre une importante diversité inter individuelle dans l’utilisation du catalogue de processus et une différence intra individuelle en fonction de contraintes de l’environnement. Chaque comportement possède sa fréquence d’apparition, qui est propre à chaque individu pour un environnement donné. Il y a hiérarchisation des comportements à l’intérieur d’un catalogue, qui se construit probablement par les mécanismes du conditionnement opérant.

L’apparition des comportements pour un individu est modifiée par des contraintes de l’environnement. Par exemple, sous la pluie, un comportement numéro 2 sera systématiquement préféré au numéro 1 pour un canard A, alors que pour un canard B, aucune modification de la hiérarchie ne sera observée dans le même environnement. Il y a modificabilité du comportement selon la situation et, pour l’homme, on peut avancer l’idée d’une modificabilité selon le choix dans certains cas. Peut-on tirer profit de son catalogue de processus personnels ? L’analyse des enfants en situation d’apprentissage permet de répondre positivement à cette question et ouvre sans doute de nombreuses perspectives allant dans ce sens.

Les enfants, avant un certain âge, utilisent uniquement la vision pour stabiliser la position de leur corps (équilibration) dans l’espace. Un peu avant leur entrée en CP, la maturation des vestibules leur permet de développer un second comportement d’équilibration. Pour chaque individu, une hiérarchisation s’effectue entre les deux comportements. Pendant l’apprentissage de la lecture, les enfants qui utilisent la vision pour l’équilibration rencontrent des difficultés puisque l’œil est partagé par ce double usage. Les instituteurs, pour faire progresser l’élève, peuvent contraindre l’utilisation du comportement d’équilibration visuelle et, par renforcement, favoriser l’apparition du comportement d’équilibration vestibulaire. Pour ce faire, ils peuvent demander aux enfants de lire en équilibre sur une poutre. La contrainte environnementale oblige l’enfant à utiliser ses vestibules, ce qui libère la vue pour la lecture. Par la suite, l’enfant continuera sans doute à utiliser la vision pour s’équilibrer mais, en situation de lecture, l’équilibration vestibulaire restera dominante.

La psychanalyse s’attache à repérer des mécanismes de pensée, à en comprendre le contenu, l’histoire, notamment à travers l’étude de l’interaction avec l’environnement. En complexifiant largement notre représentation du catalogue de processus personnels, en incluant notamment les grandes instances de la topique pour hiérarchiser activement les fréquences d’apparition et en figeant le catalogue dans le temps suite à certains « traumatismes », ne peut-on pas étendre la représentation du catalogue de processus personnels pour obtenir un catalogue des mécanismes de pensée ? Bien entendu, le concept de pensée est trop vaste pour étudier une quelconque fréquence à travers les représentations qui peuvent être construite de façon très différente d’une personne à l’autre. Mais en s’appuyant sur la littérature, le concept « de mécanisme de pensée » semble bien défini et permet un travail comparatif. Doit-on développer d’autres agents que l’environnement et le choix pour expliquer comment sont favorisés certains mécanismes parmi d’autres qui mènent à l’homéostasie ? La régression pourrait-elle être considéré comme la réminiscence d’un mécanisme qui a été déclassé dans la hiérarchie du catalogue. La pathologie pourrait-elle être considéré comme un état figé du catalogue aillant fait face à de fortes contraintes environnementales ? (Exemple : L’enfant qui ne s’oriente pas vers l’équilibration vestibulaire et qui devient maladroit en équilibre visuel suite à cet échec.)

Nicolas Tollar – Octobre 2005 – Institut Français de Psychanalyse©

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Zascandyl

Diane D. – Septembre 2005

Zascandyl, c’est là où tout commence et tout finit.
C’est l’histoire d’un amour passé dans lequel est conservé la plus pure substance de moi-même, ma vie conservée intacte.
S’il existe un avant la chute originelle, c’est avant la mort de Zascandyl.
Je devais avoir onze ans quand j’ai découvert ce cheval, oui je sais, un équidé, cela peut sembler désuet mais lorsque l’on ne connaît ni père ni mère, un cheval c’est un monde tout entier.
Zascandyl aura été mon pégase dont les ailes me portèrent au-dessus de tout ce qui, par ma condition, étouffait mon regard assoiffé de lumière. Il me semble que je suis née de ses crins d’or.
Le bourricot a grandi dans les montagnes de Saragosse, et pour des raisons climatiques, n’a justement pas beaucoup grandi. Etalon, petites pattes, gros ventre, l’œil opiacé et des crins jusqu’au milieu de l’encolure ; buisson de terre et de paille séché par le vent.
Un nom impossible à prononcer, Zascandyl de Anciles, un véritable mantra que je répétais comme le nom de la salvation.
Mère et père respectivement allemande et français, né en Espagne ; un apatride orphelin, nous étions prédestinés.
Il avance doucement son museau vers moi, souvent. Il me renifle, mais reste cependant immobile et balance sa tête, dédaigneux. Moi aussi je le renifle, et ce contact primaire m’emplit pour toujours de la chaleur dont je manquais.
Lorsque Zascandyl avait peur de quelque chose, je mettais mes mains sur ses yeux, ses yeux globuleux pour le lui cacher et il se rassurait. Nous étions là l’un pour l’autre et avions instaurés une sorte de dialectique où nous n’avions pas même besoin de communiquer, nous étions faits de la même substance. J’ai percé son regard, et le moindre frémissement d’une oreille me le révèle jusqu’au plus profond de son âme.
Oh le nombre de fois que je me suis échappée la nuit pour aller le rejoindre, et me suis blottie pour dormir entre les pattes de mon géant. Il n’a jamais bougé d’un millimètre pendant mon sommeil.
A force d’entraînements quotidiens il devint beau, très beau, sculpté à la limite de l’hellénisme. Le buisson de terre et de paille se fit buisson ardent, vecteur de ma propre révélation.
Parfois nous partions en forêt sans autre attache que la confiance et la reconnaissance mutuelle.
Un claquement de langue et il entamait son trot saccadé, inconfortable, tandis que j’appréciais à distance une plante chlorophyllienne traversée par un rayon de soleil qui en ressortait teinté de sa couleur, et en révélait les fines nervures internes ; alchimie des éléments offrant une vision du sublime inhérent aux phénomènes.
J’étais Artémis, et je conduisais ma monture au point d’eau. Il y avait en effet dans la forêt que nous avions coutume de visiter, une rivière où coulait de l’eau fraîche et musicale.
Sur le fond reposent de gros galets lisses qui, lorsque le courant les caresse, produisent une petite musique. Mon esprit s’y arrête, et Zascandyl aussi ; il sait ces choses là.
C’est un endroit relativement caché par de grands arbres, avec juste une lame de lumière qui vient solidifier la fumée qui s’en dégage par temps humides.
Zascandyl est parti, il est mort très tôt, me laissant de nouveau orpheline. J’ai eu peur que mon fidèle ami n’eut été qu’un songe.
Si son amour était vrai, il ne fallait pas qu’il meure.
La contradiction métaphysique qui réside entre l’amour, la présence d’une personne et sa disparition radicale est tellement forte qu’elle en devient paradoxe ; paradoxe insoutenable que l’on préfère nier la qualité même de l’amour échangé plutôt que d’admettre son annihilation.
J’ai du mal à fixer mon souvenir, ses traits son désormais fuyants. Ils m’ont pourtant tellement hanté. Parfois je le renifle encore, mais c’est le goût de l’eau salée sur mes joues qui me rappelle à moi.
L’éternelle âme enfant que je suis pleure toujours à ton évocation, elle a pleuré de son sang.
Je n’ai plus jamais réussi à dire je t’aime, de te ne l’avoir jamais dit, car tu n’étais qu’un cheval.
Je t’aime, j’ai mal, j’oublie. J’ai mal car j’oublie. J’oublie qui nous étions, deux gosses tournés vers l’avenir, et tu as désormais ce statut inatteignable que prennent les nobles défunts.
Je l’ai déjà oublié, mais il ne peut m’en tenir rigueur, parce que je n’ai pas le temps de m’en souvenir ; je me suis levée et j’ai marché.

Peut-être n’y a-t-il pas d’Age Nouveau de la promesse, peut-être n’y a-t-il ni Eden ni nouveau règne à venir.
Mais l’amour, la mémoire, la nostalgie, la parole, l’érotisme sont des réalités. Elles savent ensuite se faire idéelles, et on les promeut parfois au rang d’idéaux.
Tous ces éléments sont rassemblés dans l’histoire de Zascandyl, pourtant ce qui y prévaut, c’est l’espoir.
L’espoir, c’est tout simplement l’ouverture à la modernité de l’existence, c’est-à-dire à son perpétuel progrès, qui rompt sans cesse avec les représentations passées.
L’idéaliste chérit l’amour, la mémoire, la nostalgie, l’érotisme, mais ce sont ses idéaux d’espérance, non point des attachements négatifs au passé.
Il n’est pas celui qui dénie les souffrances passées, et s’infantilise dans un monde imaginaire, bien au contraire.
L’idéaliste sait reconnaître ce qui fut, il sait pleurer ce qui n’est plus. Il n’est point nauséeux devant ses racines. Il ne saurait néanmoins être passéiste, car il assume ensuite son constat dans le présent. Il se lève et marche, sourit même.
L’idéaliste est résolument moderne.

Diane D. – Septembre 2005 – Institut Français de Psychanalyse©

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Les Mercuriens : troubles psychiques et amalgames dentaires

Un documentaire d’Inès Léraud et Lionel Quantin

Les amalgames dentaires ou plombages, ces petits morceaux gris que beaucoup d’entre nous portons en bouche, ne contiennent en fait pas de plomb mais sont constitués à cinquante pour cent par l’un des toxiques les plus puissants du monde : le mercure. Celui-ci se libère en petites quantités qui se stockent dans l’organisme et détruisent, selon les autorités de certains pays, à petit feu notre santé. C’est pourquoi l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, le Japon et la Russie en ont restreint l’usage, et que la Norvège les a interdits. Mais en France nos autorités sanitaires considèrent que la libération du mercure est inférieure aux seuils de toxicité et les dentistes continuent d’en poser.
Des gens pourtant luttent pour la reconnaissance officielle de leur intoxication au mercure dentaire. Personne ne veut les croire, personne même, ne veut les écouter, et notre autorité sanitaire les a classés cas psychiatriques. Avec eux pendant une heure, il sera affaire d’intime conviction, de contestation des certitudes, et peut-être… de lancement d’alerte.

Producteur coordonnateur : Joseph Confavreux
Productrice déléguée : Inès Léraud
Réalisation : Lionel Quantin
L e s   M e r c u r i e n s

France Culture

Dans « Sur les Docks »

Le mercredi 26 Mars 2008 de 16h à 17h