Nicolas Koreicho – Janvier 2018
5 décembre 2017. Mort de Johnny, héros des mal-aimés.
Cette fin d’année aura vu advenir deux événements extraordinaires d’un point de vue psychanalytique et mythologique, au sens de Barthes.
D’une part la mort de Johnny Hallyday, d’autre part ses obsèques.
Nous pensions cet homme invincible, indestructible, lui qui avait survécu au double abandon de ses parents et à son élévation, seul, à travers toutes les épreuves et les couronnements de sa vie, au statut d’étoile.
D’une enfance psychotique ou le jet de déjections lui tenait lieu d’expression jusqu’à l’âge avancé du patriarche rassurant, Johnny s’est vu construire, au fur et à mesure des années et des épisodes de sa vie, une existence de destruction et de construction.
Véritable héros français résilient, adulé des mal-aimés, de ceux qui n’ont pas eu tout l’amour désiré de leurs parents, éducateurs, maîtres, l’homme a représenté au plus juste choix de ses chansons les projections de ceux qui, dans les familles, dans la société, pour les bien-pensants, demeurent les mal-aimés.
D’ailleurs ce sont eux, les mal-aimés, les mauvais élèves, les mal-pensants de la République caviar qui ont porté aux nues religieuses l’un des leurs, en l’exact fantasme de celui qui n’est jamais allé à l’école et qui fut obligé de paraître, dans le paradoxal rôle de la vedette, à la fois simple et éblouissant.
Mauvais exemple mais bonne énergie, sa mort fut saluée par « les petits, les obscurs, les sans-grades », certes, mais par les honnêtes gens, pas par ceux qui font la une des faits divers, et ces mêmes honnêtes gens reconnurent en lui le statut de héros qui fit être moins seul puisqu’il avait la charge de veiller sur nos tourments en « force qui va », en frère devenant le père qui leur avait manqué.
Tel est souvent, d’ailleurs, le rôle de la chanson qui va demeurer la grande consolatrice de nos existences parfois inachevées.
Nicolas Koreicho – Janvier 2018 – Institut Français de Psychanalyse©